Québec sera strict avec les municipalités qui réclameront des fonds pour des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre: ce ne sera pas la manne ou le bar ouvert sans conditions.

Le gouvernement mettra 3,3 milliards $ sur la table pour les aider d'ici à 2020, mais le premier ministre Philippe Couillard est clair: pas de saupoudrage ou de dispersion, les fonds devront servir exclusivement à contrer les changements climatiques ou réduire leurs effets.

L'Union des municipalités du Québec (UMQ) a rappelé dimanche que ses membres doivent assumer la moitié des efforts du Québec pour atteindre sa cible de réduction des gaz à effet de serre (GES), et demande au gouvernement de leur accorder un financement supplémentaire pour y arriver.

À Paris pour la tenue de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP 21, la présidente de l'UMQ, Suzanne Roy, a dit en entrevue téléphonique dimanche que personne ne connaît encore le détail du plan de réduction des GES du Québec, mais qu'elle s'assurera au nom de ses membres que le gouvernement Couillard «soit au rendez-vous» pour «avoir les moyens» nécessaires à la lutte aux changements climatiques.

Philippe Couillard, qui est aussi à Paris pour assister à ce sommet international, a d'abord indiqué que son gouvernement fournira 3,3 milliards $ d'ici à 2020 à même son Fonds vert, financé grâce à la Bourse du carbone.

«Les sommes viendront essentiellement du Fonds vert, dans des actions qui sont spécifiquement et exclusivement ciblées, dans l'adaptation et la mitigation des effets des changements climatiques», a-t-il déclaré dans un point de presse à la Cité des sciences de La Villette, à Paris.

Le premier ministre a toutefois lancé par la suite un avertissement, «un signal» à titre de «bon gestionnaire de fonds publics»: Québec sera strict et ne dira pas oui à n'importe quel projet.

«Le Fonds vert doit garder sa mission, il ne doit pas être saupoudré ou dispersé. Il faut s'assurer que chaque fois qu'on fait une intervention, elle soit dans le domaine pour lequel il a été créé.»

Quand il était ministre de la Santé, M. Couillard a dit avoir vu trop souvent, à l'annonce d'un nouveau programme doté de financement, un «phénomène normal», où toutes les initiatives deviennent soudainement «thématiques», reliées au thème de façon un peu trop lointaine.

«On va être très rigoureux dans la gestion de ce fonds (le Fonds vert), parce qu'on en a besoin, il y a beaucoup de choses à faire», a-t-il insisté.

Il a notamment évoqué les effets des changements climatiques qui frappent déjà, l'érosion côtière, la fonte du pergélisol, les îlots de chaleur dans les grandes villes.

Et par ailleurs, le premier ministre a aussi fait référence à d'autres sources de financement des municipalités, notamment le pacte fiscal conclu cet automne entre le gouvernement et les municipalités, ainsi que les hausses considérables des budgets des programmes d'infrastructures promis par le nouveau gouvernement fédéral de Justin Trudeau.

«Il y a déjà beaucoup d'argent disponible pour les infrastructures», a résumé M. Couillard.

L'opposition officielle a indiqué que le recours au Fonds vert était une «bonne idée», mais a remis en doute sa gestion, en faisant référence à un rapport du commissaire au développement durable déposé en 2014.

«On doit s'assurer d'avoir une gestion qui soit efficace et transparente, a déclaré en point de presse le chef péquiste Pierre Karl Péladeau, qui est aussi à Paris pour prendre part à la Conférence des Nations unies. Il y a un niveau d'opacité (dans la gestion du fonds). Il va falloir qu'on se donne des règles adéquates.»

Pour sa part, le chef caquiste François Legault, aussi à Paris, s'est fait l'écho des inquiétudes des municipalités. Selon lui, le gouvernement libéral a agi sans être à l'écoute des villes.

«Le gouvernement du Québec doit aider les municipalités à financer les mesures les plus efficaces, a-t-il dit en point de presse. Je comprends mal pourquoi il y a un si grand manque de coordination entre le gouvernement et les municipalités. M. Couillard aurait dû consulter les municipalités avant de déposer son plan.»

Le gouvernement Couillard a fixé dans son plan sa propre cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES) à 37,5 pour cent sous le niveau de 1990, d'ici à 2030.

Le Québec a réussi à diminuer ses émissions de GES de 8 pour cent par rapport à leur niveau de 1990, en 2012, surpassant de 2 pour cent l'objectif de réduction qu'il s'était fixé à cet horizon.

Pour 2020, le Québec s'est donné l'objectif de réduire ses émissions de GES de 20 pour cent sous leur niveau de 1990.