Québec applique en partie seulement une recommandation de la Commission Charbonneau visant à protéger les lanceurs d'alerte. C'est tout de même «un premier grand pas», estime le gouvernement.

Déposé à l'Assemblée nationale mercredi, le projet de loi «facilitant la divulgation d'actes répréhensibles» vise les organismes publics, comme les ministères, les sociétés d'État et les établissements du réseau de la santé et de l'éducation.

Or, dans son rapport rendu public la semaine dernière, la commission Charbonneau a recommandé la création d'un «régime général de protection des lanceurs d'alerte» s'appliquant autant au public qu'au privé. À titre d'exemple, le projet de loi n'aurait pas protégé le syndicaliste Ken Pereira, qui avait dénoncé des irrégularités à la FTQ-Construction.

Pour le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, son projet de loi est «un premier grand pas». «Il n'est pas interdit qu'on puisse aller plus loin à l'avenir, mais il faut qu'on commence quelque part, et on commence avec un univers qui est quand même très large, qui est celui de notre secteur public», a-t-il plaidé en conférence de presse.

Le projet de loi confie au Protecteur du citoyen le mandat de recevoir les divulgations d'actes répréhensibles, comme une contravention à une loi, un manquement à l'éthique, un cas grave de mauvaise gestion ou l'usage abusif de fonds publics. Le Protecteur du citoyen ferait enquête et formulerait des recommandations aux autorités concernées. Il a les «moyens nécessaires» à l'heure actuelle pour accomplir ce mandat supplémentaire, donc aucun investissement n'est prévu, soutient Martin Coiteux. «On va voir à l'usage quelles sont les nécessités en termes de ressources et on adaptera au besoin.»

Au cas où un lanceur d'alerte préfère procéder à une divulgation au sein même de son organisation, le projet de loi impose aux organismes la création d'une procédure interne.

Le projet de loi ne s'applique toutefois pas «aux divulgations qui sont effectuées à des fins personnelles et non d'intérêt public, par exemple dont l'objet porte uniquement sur une condition de travail de la personne qui effectue la divulgation, ni aux divulgations dont l'objet est de mettre en cause le bien-fondé des politiques et objectifs de programme du gouvernement ou d'un organisme public».

Le projet de loi interdit les représailles contre les lanceurs d'alerte ou contre les personnes qui collaborent à une enquête menée à la suite d'une divulgation. Un fautif se verrait imposer une amende de 2000$ à 20 000$ ; 10 000$ à 250 000$ dans le cas d'une personne morale.

Un lanceur d'alerte pourrait, dans certains cas très balisés, bénéficier de la protection prévue au projet de loi s'il décide de passer par les médias au lieu du Protecteur du citoyen ou de la procédure de divulgation interne. «Si une personne a des motifs raisonnables de croire qu'un acte répréhensible commis ou sur le point de l'être présente un risque grave pour la santé ou la sécurité d'une personne ou pour l'environnement et qu'elle ne peut, compte tenu de l'urgence de la situation, s'adresser (au Protecteur du citoyen ou au responsable de la divulgation de son organisme), elle peut divulguer au public les renseignements qu'elle estime raisonnablement nécessaires pour parer à ce risque et bénéficier de la protection contre les représailles », peut-on lire dans le projet de loi. «Toutefois, cette personne doit, au préalable, communiquer ces renseignements à un corps de police ou au Commissaire à la lutte contre la corruption».

Le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) et Québec solidaire jugent le projet de loi incomplet.

La protection des lanceurs d'alerte fait l'objet de débats à l'Assemblée nationale depuis des années. Plusieurs partis d'opposition ont déposé des projets de loi sur le sujet dans les dernières années, mais aucun n'a cheminé en commission parlementaire. Comme l'a souligné Martin Coiteux, le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) réclame une loi depuis des années.