Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, croit qu'il est possible d'obtenir un amendement constitutionnel pour repousser les frontières septentrionales du Québec sans en faire un enjeu identitaire.

M. Fournier a déclaré mercredi que le gouvernement du Québec est prêt à conclure d'abord une entente administrative avec les gouvernements fédéral et du Nunavut afin de se libérer de cette contrainte pour son développement économique.

Sans présumer de le façon de procéder pour repousser les frontières septentrionales, M. Fournier a évoqué le dernier amendement constitutionnel qui a permis au Québec de modifier le statut des commissions scolaires, en 1997.

«On a été capable d'obtenir un amendement alors je pense bien que ce serait possible aussi», a-t-il dit en entrevue à La Presse Canadienne.

M. Fournier a bon espoir de pouvoir faire valoir les intérêts économiques pour l'ensemble du Canada d'une telle modification.

«Il ne s'agit pas d'un enjeu identitaire, il s'agit d'un enjeu économique et de flexibilité qui se fait avec les territoires concernés», a-t-il dit.

Actuellement, les frontières du nord du Québec suivent très exactement le littoral québécois, ce qui empêche la construction de quais ou de ports qui se trouveraient dans le territoire du Nunavut.

Plusieurs îles qui longent la côte québécoise sont ainsi dans les eaux territoriales du Nunavut, notamment dans la Baie James et dans la Baie d'Hudson.

Les projets d'infrastructures portuaires nécessaires au développement économique du Nord québécois pourraient être compliqués, a affirmé M. Fournier.

«Pour faire un quai en eaux profondes à la pointe nord du Québec, forcément on se retrouverait à avoir le début du quai en territoire du Québec et le bout du quai en territoire du Nunavut», a-t-il dit.

La demande du gouvernement du Québec a été inscrite dans la liste du premier ministre Philippe Couillard aux chefs fédéraux, en août dernier, mais aucun n'a répondu formellement à ce sujet, a indiqué M. Fournier.

Sans aller jusqu'à dire que le dossier est «urgent», M. Fournier a cependant souligné qu'avec les projets de développement économique du Plan Nord et de la Stratégie maritime, chers au gouvernement québécois, il serait à tout le moins «pertinent» de tenter prochainement une entente préliminaire.

«Minimalement, on peut même envisager de mettre à l'essai un arrangement administratif, quitte à le constitutionnaliser une fois que les gens voient bien qu'il n'y a pas de problème», a-t-il dit.

M. Fournier a déclaré mercredi que l'élection du prochain gouvernement fédéral, lundi, sera l'occasion pour Québec de relancer le dossier, qui n'a pas encore trouvé d'écho.

«La Stratégie maritime et le réchauffement climatique font en sorte qu'il y aura là un passage plus fréquenté, a-t-il dit. Dès aujourd'hui c'est pertinent et on souhaite pouvoir l'expliquer, et au cours d'un délai qui n'est pas trop long. Je ne veux pas m'aventurer sur un délai.»

M. Fournier a également refusé de préciser quelle serait la zone côtière revendiquée par le Québec auprès d'Ottawa et des représentants du territoire du Nunavut.

«Nous, ce dont on parle, c'est d'un problème bureaucratique, à savoir: quelle est la loi qu'on applique au début du quai et la loi qu'on applique au bout du quai, a-t-il dit. À partir du moment où un quai est sous deux lois différentes, ça complique les choses.»

M. Fournier a expliqué que l'objectif «à long terme» du Québec demeure d'obtenir une zone comparable à celle qui a été accordée à la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador.

Le député péquiste Stéphane Bergeron a estimé que le Québec devrait obtenir l'équivalent de ces deux provinces, dont notamment le rattachement des îles côtières à son territoire.

«Les précédents ont une valeur juridique et on a affaire à un certain nombre de précédents juridiques à l'intérieur de la fédération canadienne qui rendent la situation du Québec injustifiable», a-t-il dit.

M. Bergeron affirmé qu'à défaut d'entente, les deux projets de développement économique des libéraux pourraient être compromis.

«Ils ne peuvent pas se retrouver devant une fin de non-recevoir parce que si non, une bonne partie des cartes qu'ils prétendent avoir dans leur jeu pour le développement du Plan Nord et de la Stratégie maritime, se retrouvent être inutilisables», a-t-il dit.

M. Bergeron croit que M. Fournier fait preuve de «jovialisme» quand il croit qu'un amendement constitutionnel est possible.

Selon le député péquiste, l'absence de réaction des chefs fédéraux laisse entrevoir qu'il serait difficile de parvenir à une simple entente administrative à ce sujet.

«Je salue le jovialisme de M. Fournier et je suis tout à fait d'accord qu'il s'agit d'une question importante, cruciale, voire capitale pour le Québec, mais je dirais qu'on est un peu mal barrés», a-t-il dit.