S'il souscrit aux objectifs du projet de loi 59 pour éradiquer les discours haineux, le maire de Montréal Denis Coderre s'inquiète toutefois de l'intention de Québec de dresser une liste publique des gens qui ont lancé un appel à la violence.

«Une erreur peut être fatale, et la tache indélébile», a soutenu M. Coderre en commission parlementaire mardi matin en réponse aux questions de la ministre de la Justice Stéphanie Vallée.

Le maire Coderre salue l'initiative de Québec, mais souhaite que le gouvernement mette l'accent sur la prévention et intervienne en support des mécanismes déjà mis en place par les villes. «En tant que métropole ouverte et inclusive, Montréal est interpelée, on fait face à des enjeux particuliers et on a déjà entrepris des démarches novatrices», a souligné M. Coderre.

À cause de son caractère cosmopolite, Montréal est susceptible d'être le centre de plus nombreux incidents que le reste de la province. Il faut «un réflexe Montréal», «être généreux, mais pas naïf». Pour le maire Coderre, Québec devra faire plus attention à la définition du «discours haineux», coller à la définition du Code criminel, pour éviter de voir son projet de loi contesté en Cour.

Le projet de loi prévoit que la Commission des droits de la personne aura à confectionner une liste des citoyens trouvés coupables d'incitation à la violence ou de propos haineux, par le tribunal. Rappelant avoir été ministre de l'Immigration dans le passé, le maire Coderre s'est dit inquiet d'un tel système, susceptible de stigmatiser les individus. Même dans les listes d'interdiction des transporteurs aériens, des risques existent que deux personnes aient le même nom, a-t-il donné en exemple.

Pour la ministre Vallée, cette idée de liste visait à permettre aux municipalités d'obtenir rapidement des informations sur un conférencier, «en un clic, on pourra vérifier si c'était quelqu'un qui avait tenu de tels propos avant qu'il soit invité à un centre communautaire», a-t-elle expliqué.

«Les questions de listes, c'est toujours sensible. Comme ancien ministre de l'Immigration, je miserais beaucoup plus sur la prévention, le centre contre la radicalisation, le travail avec les experts», a résumé M. Coderre.

Québec ferait mieux de mettre en place rapidement des outils pour aider les municipalités à intervenir pour contrer les frictions entre les groupes sur leur territoire, suggère-t-il. Le gouvernement doit «travailler en amont», a-t-il souligné.

Pour l'opposition péquiste, Agnès Maltais a relevé que le maire Coderre avait insisté sur la nécessité pour Québec de travailler «de concert avec la métropole», ce qui devrait être une évidence.