Le gouvernement Couillard a sommé Québecor de se distancer de Pierre Karl Péladeau et de ne pas s'immiscer dans le travail des parlementaires, lundi, après avoir reçu une lettre de la compagnie qui lui demandait de ne pas la mêler aux débats à l'Assemblée nationale.

Le leader parlementaire libéral, Jean-Marc Fournier, estime que la lettre du président et chef de la direction de Québecor, Pierre Dion, met en relief le problème éthique soulevé par le double rôle de M. Péladeau comme chef de l'opposition et actionnaire de contrôle de l'entreprise.

Il se questionne à savoir si la démarche de Québecor n'a pas servi les intérêts politiques du chef du Parti québécois.

«Je ne peux pas interpréter outre mesure, ou prêter des intentions, mais je n'ai jamais vu une lettre comme celle-là, et elle n'est pas méritée en fonction de ce qui s'est dit à l'Assemblée nationale, a dit M. Fournier. Au contraire, le sujet qui a été soulevé a été soulevé par le Parti québécois. Alors reste très interrogatif.»

Mercredi dernier, lors d'un débat avec le PQ sur les taux d'intérêt exigés par Hydro-Québec aux mauvais payeurs, le ministre Pierre Arcand a souligné que Vidéotron exige des taux supérieurs à ceux de la société d'État.

Dans une lettre expédiée le jour même aux ministres Arcand et Fournier, ainsi qu'au premier ministre Philippe Couillard, M. Dion a rappelé que Québecor «est l'une des plus importantes entreprises actives dans les domaines des télécommunications, des médias, du divertissement et de la culture au Canada».

«Toutefois, j'aimerais amicalement vous faire part de notre souhait de demeurer à l'écart du débat politique partisan», conclut le président dans la lettre, rendue publique lundi par Jean-Marc Fournier.

Le leader parlementaire estime que les parlementaires n'ont pas à se censurer. Si Québecor a été mêlée au débat, dit-il, c'est parce que M. Péladeau refuse de se départir de ses intérêts dans la société.

«Nous disons à Québecor [...] que vous êtes amenés dans le débat partisan par votre actionnaire principal, a dit M. Fournier. Ne vous adressez pas à nous, adressez-vous à lui et trouvez le moyen de faire une séparation entre l'entreprise et lui.»

Pierre Karl Péladeau a assuré lundi qu'il n'a jamais demandé à M. Dion d'entreprendre des démarches auprès du gouvernement libéral. Il a rappelé qu'il n'occupe plus aucun poste de direction à Québecor depuis son élection comme député de Saint-Jérôme en avril dernier.

«Il faut demander à Québecor quelle était la motivation qui était la leur lorsqu'ils ont envoyé cette lettre, a indiqué M. Péladeau lors d'un point de presse dans la circonscription de Chauveau. Ce n'est pas moi qui vais répondre en leur nom et à leur place.»

Selon nos informations, la direction de Québecor a tenté de prendre contact par téléphone avec le bureau de Jean-Marc Fournier après l'envoi de la lettre de M. Dion. Cet appel est resté sans réponse.

Dans un communiqué émis en soirée, la société se dit «surprise» de la sortie du ministre.

«Dans cette lettre, monsieur Dion a simplement formulé, sur un ton très courtois, la volonté de Québecor de demeurer à l'écart de tout débat politique partisan, précise-t-elle. Toute insinuation nous prêtant l'intention de brimer le droit de parole des parlementaires de l'Assemblée nationale est erronée.»