Le premier ministre Philippe Couillard s'est adressé aux parlementaires ontariens à Queen's Park, lundi, une rare allocution lors de laquelle il a invité le gouvernement fédéral à respecter les provinces et insisté sur la nécessité de reconnaître le caractère spécifique du Québec.

M. Couillard a reçu un accueil enthousiaste des députés ontariens après son discours à saveur fédéraliste prononcé à l'Assemblée législative située à Toronto.

Le chef du gouvernement du Québec a fait sienne l'affirmation des premiers ministres Jean Lesage et John Robarts, il y a un demi-siècle, à l'effet que le Canada n'est pas un État unitaire, mais bien une fédération avec des différences qui sont respectées et qu'Ottawa a l'obligation de tenir compte à la fois des caractéristiques communes et spécifiques des provinces dans l'élaboration de ses politiques.

Il en a profité pour faire part des demandes que son gouvernement entend adresser aux chefs des partis fédéraux qui se lanceront bientôt en campagne électorale.

M. Couillard leur demande d'exprimer clairement leurs positions sur le transfert canadien en matière de santé, le financement des infrastructures publiques, le plafonnement de la péréquation, les objectifs de lutte contre les changements climatiques et aussi, sur la reconnaissance du caractère spécifique du Québec.

«Nous rappellerons aussi que le caractère spécifique du Québec doit nécessairement être formellement reconnu. Cette reconnaissance, redisons-le, est le reflet d'une réalité évidente qui participe à la définition même du pays», a-t-il affirmé.

Cette différence appelle un acte de reconnaissance «à la fois fort et enthousiaste. Un acte de reconnaissance envers un partenaire qui souhaite une alliance encore plus solide», a-t-il lancé dans son allocution.

Mais questionné en conférence de presse sur l'adhésion éventuelle du Québec à la Constitution canadienne, M. Couillard a réitéré, en anglais, qu'il n'en serait pas l'instigateur.

Il faudrait qu'il y ait des conditions gagnantes pour ce faire, afin que la démarche puisse être couronnée de succès, a-t-il soutenu.

Mais si une autre province souhaite rouvrir les discussions constitutionnelles, pour réformer le Sénat par exemple, M. Couillard dit que le Québec apportera ses propres dossiers à la table des négociations.

Sur l'économie, M. Couillard et son homologue ontarienne, Kathleen Wynne, ont annoncé une vaste entente de principe sur les marchés intérieurs, qui est en fait le renouvellement du chapitre à ce sujet contenu dans l'Accord de commerce et de coopération entre le Québec et l'Ontario (ACCQO).

Lundi, M. Couillard et Mme Wynne ont qualifié cette entente de principe «de la plus ambitieuse jamais conclue par le Québec et l'Ontario».

Cet accord permettra aux entrepreneurs du Québec et de l'Ontario d'obtenir des contrats publics, notamment ceux octroyés par les gouvernements provinciaux et les municipalités pour la construction d'infrastructures, l'acquisition de biens, et aussi pour la vaste majorité des contrats de service. Il n'a pas été précisé si Hydro-Québec sera exclue ou non.

«Il donnera un niveau d'accès similaire à ce que nous offrons aux pays européens» qui font partie de l'accord de libre-échange, a précisé M. Couillard.

«Cet accord bénéficiera tant aux entreprises, en créant de nouvelles opportunités, qu'aux contribuables, en favorisant une meilleure concurrence et de meilleurs prix dans l'octroi de contrats publics. En travaillant ensemble, nos économies vont continuer de croître, contribuant ainsi à un avenir prospère pour nos provinces et notre pays», a de son côté fait valoir Mme Wynne.

Il s'agit de contrats de plusieurs dizaines de milliards de dollars pour chacune des deux provinces, a dit le premier ministre québécois.

Plus de 60 pour cent de la population canadienne vit au Québec et en Ontario et ces deux provinces représentent près de 60 pour cent du produit intérieur brut du pays, a fait valoir M. Couillard.

Il a aussi félicité l'Ontario pour ses efforts de lutte contre les changements climatiques, alors que la province a récemment décidé de se joindre au système de plafonnement et d'échange pour les émissions de gaz à effet de serre, communément appelé «bourse du carbone», à laquelle le Québec et la Californie ont déjà adhéré.

M. Couillard et Mme Wynne ont d'ailleurs longuement insisté sur la lutte aux changements climatiques comme étant un dossier susceptible de renforcer les liens entre les deux provinces.

«Les États fédérés, comme l'Ontario et le Québec, ont un rôle incontournable à jouer dans cette lutte, et l'efficacité de notre contribution sera décuplée si nous agissons ensemble», a renchéri M. Couillard.

Dans son allocution, le premier ministre Couillard a aussi abordé le sujet de la francophonie canadienne, qui n'est pas qu'une langue, a-t-il dit, mais aussi l'expression d'une culture.

«C'est un atout extraordinaire sur lequel nous devons capitaliser, notamment dans la perspective du libre-échange avec l'Europe», a-t-il fait valoir.

L'allocution du premier ministre du Québec au sein de l'Assemblée législative ontarienne est un événement rare. Les deux dernières fois remontent aux années 1960, lorsque Antonio Barrette s'est adressé aux députés ontariens en 1960, et Jean Lesage en 1964.