Le premier ministre Philippe Couillard se complaît dans son «esprit colonisé», même s'il est très éduqué et cultivé, estime le député de Québec solidaire Amir Khadir, après le dévoilement de la nouvelle mouture du Plan Nord cette semaine par le gouvernement libéral.

À son avis, l'esprit colonisé qui règne depuis trop longtemps au Québec «place la loi des mines au-dessus de la loi divine» et ce sont les élites qui sont contaminées par cette mentalité. Tout le gouvernement est ainsi sous influence d'un lobby minier qui assoit la «dictature économique» des multinationales, a déploré M. Khadir.

Le député de Québec solidaire réagissait au nouveau Plan Nord du gouvernement Couillard, dont les cibles sont presque deux fois moins ambitieuses que sa version initiale, présentée il y a quatre ans. D'ici à 2035, Québec prévoit des investissements totaux de 50 milliards. En contrepartie, le gouvernement devrait injecter près de 2,7 milliards, une somme qui devrait surtout être destinée à l'amélioration des infrastructures au nord du 49e parallèle.

«C'est honteux pour le Québec» de payer de sa poche pour attirer les grandes entreprises étrangères, à l'instigation du lobby minier, qui perpétue «l'esprit colonisé» chez les décideurs, à commencer par le premier ministre, a déclaré M. Khadir dans une entrevue téléphonique à La Presse Canadienne.

«Lorsque M. Couillard vient nous présenter le Plan Nord, il témoigne du fait que, encore une fois, même un premier ministre aussi bien éduqué et cultivé a une culture colonisée sur le plan de la gestion des ressources naturelles, parce qu'il opère dans cette culture politique», a-t-il dit.

Il y voit le travail du lobby minier tout-puissant, qui rôde constamment dans les corridors de l'Assemblée nationale, et qui propage l'idée que les minières sont «rois et maîtres de tout».

«Tous les hommes de décision se soumettent à la dictature économique imposée par les multinationales minières depuis 100 ans maintenant», a dit M. Khadir.

La nouvelle version du Plan Nord est à peu de choses identique à celle présentée par le gouvernement Charest, estime le député de Mercier: beaucoup de saccages, pas de protection de l'environnement, des investissement massifs de l'État pour ouvrir des routes et accorder des tarifs avantageux, peu de redevances ou d'impôts, et restauration des sites abandonnés à grands frais par les contribuables.

«Ça lève le coeur pour le citoyen ordinaire des régions», a-t-il résumé.

Il soutient que c'est d'autant plus honteux pour le Québec en période d'austérité de prendre l'argent des contribuables pour subventionner les minières.

M. Khadir a d'ailleurs critiqué les propos du premier ministre, qui a reconnu que la dernière année avait été exigeante pour les Québécois, en raison des compressions entraînées par le retour à l'équilibre budgétaire.

«C'est toujours commode de parler d'une année exigeante, mais ce n'est pas exigeant pour soi-même, pour un homme riche comme Philippe Couillard, qui fait partie du 1 % de la population qui nage dans les centaines de milliers, voire les millions de dollars, de l'argent qu'il a en banque ici ou peut-être dans des paradis fiscaux», a-t-il dit.

Un an exactement après l'élection du gouvernement libéral, la classe politique au complet est entachée par le discrédit, a tiré comme bilan M. Khadir, parce que les partis font le contraire de leurs engagements une fois qu'ils forment le gouvernement. Lui-même dit avoir ressenti de l'hostilité quand on le présentait comme député à des gens qui ne connaissaient pas sa formation.

Le gouvernement Couillard n'est pas pire que le gouvernement précédent de Pauline Marois, a-t-il ajouté. C'est du pareil au même pour l'essentiel, et l'austérité a commencé sous le ministre péquiste des Finances Nicolas Marceau, juge le député de Mercier. À certains égards les péquistes étaient pires, prend-il la peine d'évoquer.

«Quand tu signales à gauche et que dès que tu arrives au pouvoir, tu vires à droite, c'est très dommageable, a-t-il conclu. Ça assène des coups incroyables à la crédibilité de l'action politique, de renier ses promesses et d'être au service de la classe dominante.»