Il y a exactement une semaine, le gouvernement Couillard promettait de mieux planifier ses communications, de contrôler plus étroitement son message. Ironie du sort, il a traversé depuis une série de cafouillages sans précédent. En laissant tomber le rideau sur sa carrière politique, Yves Bolduc a peut-être assuré un moment de répit aux stratèges libéraux après un psychodrame qui aurait pu être évité.

Mais seul un redressement de barre bien plus fondamental est susceptible d'éviter une réédition de ces bavures en cascade. Yves Bolduc aura servi de paratonnerre pour neutraliser une série de cafouillages, des réflexions à voix haute de Robert Poëti sur la captation de la valeur foncière jusqu'à la sympathie de Kathleen Weil pour les intégristes, sans oublier, bien sûr, les chamailleries de Pierre Moreau avec Longueuil et Laval. Tout est tombé la même semaine. Il fallait faire un geste percutant: mettre Bolduc sur la touche. Ridiculisé par tous les caricaturistes, critiqué par tous les observateurs, mercredi soir, le médecin a décidé de retrouver son stéthoscope. Son «c'est fini» au téléphone hier matin ne laissait pas matière à interprétation. En 2008, il avait décidé de faire le saut en politique en 24 heures, a-t-il rappelé, en fin de matinée, à ses collaborateurs à l'Éducation. Sa sortie sera tout aussi abrupte.

Les stratèges libéraux auront transformé en longue agonie une crise créée de toutes pièces, une opération qu'un Jean Charest aurait réglée sans tergiverser. Il avait passé à la trappe Julie Boulet, tordu le cou des Pierre Reid, Henri-François Gautrin et Geoffrey Kelly, sans un cri de douleur. Le bouillant Thomas Mulcair avait offert de la résistance, mais il avait été remplacé au pied levé. Line Beauchamp avait démissionné, refusant de cautionner la stratégie musclée du gouvernement Charest pour contrer les manifestations étudiantes, Michelle Courchesne était déjà dans l'antichambre. Dans chaque cas, l'opération s'était déroulée rapidement, sans atermoiements, le remplaçant croisait le démissionnaire.

On était loin du supplice de la goutte auquel on a soumis Yves Bolduc. Philippe Couillard a toujours fait preuve de générosité envers ses collègues. Aussi était-il bien étrange d'assister à ses circonvolutions, cette semaine, pour éviter de dire qu'il avait toujours confiance en son ministre Bolduc. Cela n'aura pas échappé au principal intéressé, qui, du coup, s'est senti «largué» par son patron.

En fin de semaine dernière, l'entourage du premier ministre Couillard cogitait déjà sur la mise au rancart d'Yves Bolduc. Le chef de cabinet Jean-Louis Dufresne s'était rendu au cabinet d'Hélène David, à la Culture, pour sonder le terrain. Là encore, on était dans les demi-teintes, on voulait laisser une limousine au député de Jean-Talon, bien friand, il faut le dire, des avantages et du prestige attachés à la fonction de ministre. Mais la décision de M. Bolduc a dû finalement tomber comme un soulagement. Peu importe le ministère où il aurait été nommé, il aurait continué d'être «radioactif», analysera un collaborateur.

Il faut dire que Philippe Couillard n'a jamais eu beaucoup d'estime pour Yves Bolduc. Bien sûr, c'est lui qui avait suggéré à Jean Charest de recruter le directeur des services professionnels à Alma, quand il avait décidé de tirer sa révérence. Mais on ne doit pas oublier que lorsque le moment est venu de former son conseil des ministres, M. Couillard prévoyait pour Bolduc un humble strapontin, ministre délégué, aux basques du dominant Gaétan Barrette. Sentant le piège, même sur le tard, Bolduc a frappé du poing sur la table, réclamé et obtenu un véritable ministère.

Philippe Couillard se rappelle probablement aussi la pugnacité de son collègue et «ami» quand il a fallu le convaincre de renoncer à une partie de la prime de 200 000$ qu'il avait obtenue pour accepter des patients tout en n'étant médecin qu'à temps partiel. Tout le gouvernement était entré dans le box des accusés. Bolduc avait été forcé dans un premier temps de rembourser 27 000$ puis avait consenti, à contrecoeur, à donner 28 000$ à des organismes de charité.

Avec son départ, moins d'un an après, Yves Bolduc touchera une indemnité de transition de 155 000$ pour quitter la politique, un avantage auquel ont volontairement renoncé le caquiste Christian Dubé et la péquiste Élaine Zakaïb. On peut penser qu'il repassera à la caisse pour accepter de nouveau des patients.

Sa pratique, toutefois, paraît irréprochable: «Il fait des fins de semaine, des soirées, il ne se plaint jamais. J'en prendrais dix, des Yves Bolduc», confiait sans hésiter le Dr Michel Lafrenière, le patron de la Cité Médicale, la clinique où le Dr Bolduc avait décidé de revenir à la pratique. Philippe Couillard, lui, doit être bien heureux de ne pas en avoir dix.