Québec dit non aux municipalités qui veulent avoir plus d'argent pour former leurs pompiers, mais se montre plus souple pour les plus anciens qui devront retourner sur les bancs d'école, car certains pourraient même y échapper.

Le gouvernement Couillard réagit ainsi à la Fédération québécoise des municipalités (FQM), dont les membres craignent de manquer de fonds et de temps pour se conformer au rapport du coroner sur la tragédie de L'Isle-Verte.

Québec avait annoncé en décembre une enveloppe de 19,5 millions $ sur cinq ans pour la formation des pompiers à temps partiel et volontaires dans les municipalités, dans la foulée de cette tragédie qui a fait 32 morts.

Toutefois, en début de semaine, le président de la FQM, Richard Lehoux, avait notamment critiqué les lacunes du programme gouvernemental et rapporté les inquiétudes de nombreux élus devant l'ampleur de la tâche, la formation de milliers de candidats.

Mais pour sa part, la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a dit être «très surprise» des récriminations de la FQM et elle ferme la porte à la bonification de l'enveloppe. «Les fonds qui sont sur la table suffisent amplement pour former toutes les nouvelles cohortes, tous les nouveaux pompiers, les cours de base et les cours complémentaires», a-t-elle assuré dans une entrevue à La Presse Canadienne, mercredi.

Elle a néanmoins montré des signes d'ouverture pour ce qui est de la formation des pompiers vétérans. Car le coroner Cyrille Delâge, dans son rapport, recommande d'abolir d'ici à deux ans la clause grand-père, un droit acquis qui exempte les pompiers formés avant 1998 de suivre une formation.

Ce scénario ajouterait de la pression financière sur les villes et villages, contraints de payer d'autres cours de base, qui coûtent en moyenne 5000 $, non seulement aux recrues mais aussi aux plus anciens.

Or Lise Thériault a dit se pencher sur cette question, elle envisage de mettre en place la recommandation de M. Delâge et ne ferme pas la porte à d'autres mesures d'aide, touchant précisément les pompiers qui pourraient perdre leur exemption. La ministre a bien insisté sur le fait que l'enveloppe actuelle ne touche que les aspirants. Le reste suivra en temps et lieu.

«Quand on fera connaître la position du gouvernement, si on décide qu'on l'abolit, on dira quand on l'abolit et ce qu'on va faire pour compenser. (...) Je suis en mode solution. Mais je ne peux pas prendre de décision si je n'ai pas travaillé avec les partenaires», a-t-elle dit.

D'ailleurs, des pompiers qui perdront leur privilège d'échapper à la formation pourraient s'en tirer plutôt bien. La ministre examine des pistes comme la «reconnaissance des compétences», qui permettrait à des pompiers jusque-là exemptés de formation d'y échapper de nouveau.

L'École nationale des pompiers examinerait leur savoir-faire et leur accorderait une équivalence «totale», ou encore, d'autres pourraient suivre des cours sans avoir à refaire toute la formation, a-t-elle expliqué. Pas question d'accorder des «passe-droit», a-t-elle toutefois assuré.

«Il n'y a pas de complaisance, on comprend tous que les pompiers sont là pour sauver des vies», a dit Mme Thériault. Elle soutient qu'elle aura des entretiens avec la FQM, mais aussi l'Union des municipalités du Québec (UMQ). Elle souhaite avoir d'abord un portrait complet de la situation sur les besoins de formation des vétérans exemptés.

Entre 2000 et 3000 pompiers jouiraient du privilège du droit acquis actuellement, selon les estimations sommaires de la ministre.

Selon les données de l'École nationale des pompiers du Québec, environ 80 pour cent du total des effectifs des corps de pompiers du Québec sont à temps partiel, soit 18 000.

Il en coûte au moins 5000 $ pour former un pompier à temps partiel ou volontaire. Québec accorde un montant maximal de 1625 $ pour la formation de base d'un candidat-pompier, le reste est assumé par la municipalité. En outre, Québec plafonne à 13 000 $ le montant accordé pour former une cohorte.

Le coroner Cyrille Delâge avait été très dur dans son rapport publié à la mi-février sur l'incendie qui avait fait 32 morts dans une résidence pour personnes âgées de L'Isle-Verte, en janvier 2014. Les lacunes dans l'intervention des pompiers et le personnel insuffisant et mal formé pour des situations d'urgence ont contribué à la mort des victimes, avait-il tranché.