Les craintes exprimées par des citoyens de Shawinigan face à l'aménagement d'une mosquée sont «tout à fait compréhensibles» a dit le premier ministre Philippe Couillard, mardi. Mais il n'entend pas précipiter l'adoption de «balises» pour lutter contre l'intégrisme religieux comme lui demandent les partis de l'opposition.

La décision de la Ville de Shawinigan de refuser la venue d'une mosquée sur son territoire a fait des vagues à l'Assemblée nationale, mardi. La Coalition avenir Québec et le Parti québécois ont tous deux pressé le gouvernement libéral de réglementer pour aider les élus municipaux à composer avec des situations semblables.

Philippe Couillard juge que les craintes exprimées par de nombreux citoyens sur l'implantation d'une mosquée dans leur communauté sont «tout à fait compréhensibles» en raison des derniers développements dans l'actualité internationale.

Il s'est toutefois montré beaucoup moins pressé d'intervenir que ses adversaires.

«À vouloir trop baliser, on fait des erreurs, a dit M. Couillard. C'est pour ça que M. Legault qui dit qu'il veut amender la charte des droits et libertés pour baliser la liberté d'expression, je lui souhaite bonne chance.»

Selon lui, les considérations de sécurité publique doivent guider les élus municipaux qui traitent des demandes liées à des groupes religieux. Ils doivent pouvoir recourir à l'expertise de la Sûreté du Québec pour déterminer si les groupes qui souhaitent ouvrir des lieux de culte présentent des risques.

Dans l'intervalle, la ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, se dit rassurée que les élus de Shawinigan aient entamé un dialogue avec des membres de la communauté musulmane.

«Il y a beaucoup de citoyens qui ont peur, alors il faut tenir compte de cette crainte, a dit Mme Weil. C'est pour ça que la communauté locale musulmane veut des échanges, veut un dialogue. C'est comme ça qu'on va passer à travers.»

Le chef caquiste François Legault a dit approuver la décision du maire de Shawinigan, Michel Angers.

«Qui peut blâmer un maire, face à l'inquiétude de ses citoyens, d'avoir refusé cette mosquée devant le fait qu'il n'a aucune balise, qu'actuellement les maires sont laissés à eux-mêmes?», a demandé M. Legault.

Selon lui, c'est à Québec d'édicter clairement quels critères s'appliquent dans des cas semblables. Il suggère que les organismes qui souhaitent ouvrir des lieux de culte fassent l'objet d'une forme d'enquête pour déterminer s'ils présentent un risque.

Il reproche au gouvernement Couillard de ne pas faire preuve de « leadership » en refusant d'attaquer le problème de front.

«Il a dit dans son discours inaugural, en mai 2014, que c'était urgent de mettre en place de mesures pour lutter contre l'intégrisme, a rappelé M. Legault. Presque un an plus tard, on n'est devant rien. M. Couillard a un malaise. Là, il est temps qu'il se lève, qu'il réunisse les partis puis qu'on agisse, parce que, tant qu'on n'aura pas agi, on met les maires des municipalités au Québec dans une situation intenable.»

Son parti déposera une motion, mercredi, pour enjoindre tous les partis de l'Assemblée nationale à débattre du sujet.

La leader parlementaire du Parti québécois, Agnès Maltais, a abondé dans le même sens que le chef caquiste.

«Normalement, des gens ont droit à un lieu de culte, a-t-elle dit. Maintenant, il y a tellement de peur autour de l'intégrisme et il n'y a tellement pas de balises claires que les maires ne savent plus comment se gouverner.»

- Avec la collaboration de Denis Lessard