La lutte contre l'extrémisme s'est une fois de plus invitée dans la mission européenne du premier ministre Philippe Couillard, qui s'est rapidement affairé à balayer ce dossier sensible sous le tapis, lundi à Bruxelles.

C'est le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, qui a soulevé cette question, en plaidant, au terme d'une rencontre avec M. Couillard, pour un meilleur échange des pratiques afin de prévenir la radicalisation.

Dans la foulée des attentats terroristes récemment déjoués en Belgique, M. Reynders s'est prononcé, au cours d'un point de presse, en faveur d'un «vrai débat» sur la lutte à la radicalisation.

«De comment lutter contre la radicalisation et en particulier à travers les programmes scolaires, la manière de s'adresser aux jeunes lorsqu'on leur parle de citoyenneté, de philosophie, de religion», a-t-il observé.

Ce plaidoyer du ministre belge survenait alors que la présence des militaires et policiers était très visible dans les rues de Bruxelles, une des zones identifiées comme «sensibles» par les autorités depuis les événements survenus la semaine dernière.

Au total, quelque 300 militaires devraient être déployés dans ces régions afin de prêter main-forte aux policiers.

Aux côtés du premier ministre québécois, M. Reynders a estimé que la Belgique, tout comme le Québec, avait intérêt à réfléchir aux façons d'intervenir et d'échanger en matière d'éducation.

«Dans un débat de longue haleine, nous avons tout intérêt, avec les expériences, à échanger sur ces sujets», a-t-il ajouté.

Pressé de légiférer en matière de laïcité, M. Couillard a aussitôt rappelé que la question de la radicalisation n'avait «rien à voir» avec le dépôt d'un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État et qu'il fallait faire «très attention» à ce genre de «glissement».

«La question de la neutralité de l'État est (...) distincte, a-t-il martelé. Encore une fois, je réfute l'amalgame entre cette question législative, qui est normale dans une société, et la prévention d'actes terroristes.»

Sans fournir d'échéancier, le premier ministre a rappelé qu'un groupe de travail doit se pencher sur le phénomène de l'extrémisme et qu'il avait également rencontré différentes communautés établies au Québec relativement à cette question.

«Cette question de la communauté et de l'éducation, elle est de notre ressort, a affirmé M. Couillard. C'est là que l'on doit intervenir et c'est ce qu'on va faire.»

Sans renier son engagement électoral, M. Couillard avait toutefois laissé entendre, vendredi dernier au Royaume-Uni, qu'il était peu probable que le projet de loi sur la neutralité de l'État soit déposé d'ici la fin de la présente session parlementaire, ajoutant que cela serait fait d'ici la fin du mandat de son gouvernement, en 2018.

Il affirmait vouloir agir de la sorte pour que les esprits s'éloignent de la «crise qu'on est en train de vivre» et afin d'éviter de glisser vers la «stigmatisation et l'exclusion» des gens.

En campagne électorale et alors qu'il était dans l'opposition, M. Couillard avait pourtant promis d'agir «rapidement» dans ce dossier, qui constituait selon lui un sujet de grande préoccupation pour les Québécois. Toutefois, en près de 10 mois de pouvoir, le gouvernement libéral n'a pas encore trouvé le temps de donner suite, de façon concrète, aux engagements pris dans l'opposition en vue de chasser l'intégrisme religieux du Québec.

Diplomatie et libre-échange

En plus de sa rencontre avec M. Reynders, le premier ministre prenait part lundi à une série de rencontres économiques à huis clos à Bruxelles, où il s'est notamment entretenu avec le Commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici.

L'accord de libre-échange conclu entre le Canada et l'Union européenne (UE) a été au coeur des échanges, puisque M. Couillard compte sur cette entente pour notamment stimuler son Plan Nord ainsi que sa Stratégie maritime.

Accompagné de M. Couillard à la Commission européenne, M. Moscovici a vanté l'accord qui, selon lui, profitera inévitablement au Québec.

«Une province qui a son individualité et sa particularité, a-t-il dit. D'abord pour sa langue, mais c'est aussi une économie dynamique qui vise un modèle similaire à celui de l'Europe. Il y a un bon équilibre entre l'efficacité et la justice sociale.»

Seulement pour le Québec, les retombées économiques d'une entente de libre-échange avec l'UE seraient de 2,2 milliards $ par an et pourraient créer 16 000 emplois, selon les données du gouvernement du Québec.

Si des craintes ont été émises de part et d'autre de l'Atlantique, M. Moscovici s'est dit certain que les sceptiques seront convaincus une fois que les bénéfices auront été bien expliqués.

«Pour moi, ces bénéfices sont clairs, tangibles et positifs, a expliqué le Commissaire européen aux Affaires économiques et financières. C'est la raison pour laquelle il faudra convaincre les différents parlements.»

Le premier ministre québécois, qui n'a pas procédé à d'annonces majeures au Royaume-Uni ainsi qu'en Belgique, s'est pour sa part dit «satisfait» des «signaux reçus» de la part des interlocuteurs rencontrés.

Dès mardi, le premier ministre prendra la direction de la Suisse, pour participer au Forum économique de Davos dès le lendemain - la dernière étape de sa mission économique et politique.