Le Québec aura du mal à enregistrer des gains significatifs en matière d'efficacité énergétique et les propositions pour y arriver risquent de se heurter à une certaine résistance en raison des coûts qu'elles impliquent.

C'est ce que reconnaît le gouvernement Couillard dans le premier des trois documents devant servir à orienter la discussion en vue d'élaborer sa nouvelle politique énergétique qui sera rendu public lundi et dont La Presse Canadienne a obtenu copie.

D'entrée de jeu, le document reconnaît que la marche est haute. «Dans la majorité des secteurs d'activité, les gains en efficacité énergétique les plus aisés ont été réalisés. Le potentiel pour une plus grande efficacité énergétique demeure énorme, mais les prochains gains seront plus onéreux», peut-on lire dans le sommaire du document de 69 pages intitulé «Politique énergétique 2016-2025, efficacité et innovation énergétiques».

Après un très long exposé sur l'historique et l'état de la situation et des initiatives en matière d'efficacité énergétique au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, le document suggère des pistes de discussion afin d'obtenir des gains en matière d'efficacité énergétique dans les secteurs industriel, du transport, résidentiel et commercial et institutionnel.

En plus des habituelles suggestions générales touchant l'établissement de priorités et la coordination des interventions, on y propose l'émission «d'obligations vertes» pour soutenir le financement et des mesures qui auraient une incidence directe sur les tarifs, telles «légiférer pour rendre obligatoires certaines pratiques comme l'inspection et la cotation énergétique des bâtiments ou la facturation des consommateurs en fonction des périodes de grande demande.»

Sur une base sectorielle, dans le secteur industriel par exemple, on souligne que «l'efficacité énergétique est perçue comme une démarche contraignante, longue et incertaine, voire intangible et qui ne génère pas de revenus sur de courtes périodes.» Or, il s'agit là du secteur qui consomme le plus d'énergie au Québec (37,2%).

Une des avenues envisagées serait «d'exiger l'écoconditionnalité en matière d'efficacité et d'innovation énergétiques lors de l'implantation de nouvelles usines», un geste qui pourrait être perçu comme une contrainte à l'investissement. Le document demeure discret sur les gestes à poser quant aux industries existantes et s'interroge même sur les conséquences potentiellement négatives de l'introduction de la bourse du carbone: «Il pourrait être moins coûteux pour certaines entreprises d'acheter des crédits carbone à l'étranger plutôt que d'investir dans l'amélioration de leur propre efficacité énergétique.»

Le deuxième secteur le plus énergivore, le transport, est à la fois le plus important utilisateur de produits pétroliers et le secteur où la consommation énergétique est en plus forte augmentation. Les pistes de discussions portent prioritairement sur les carburants de remplacement, leur approvisionnement et la transition vers leur utilisation, ainsi que sur l'électrification des transports. On songe également à «légiférer pour rendre obligatoires certaines pratiques comme l'inspection énergétique des véhicules usagés.»

Dans le secteur résidentiel, on insiste beaucoup sur la sensibilisation, les changements de comportements, notamment par rapport à la consommation en période de pointe et les normes de construction. Bien que l'on fasse grand état des programmes existants de rénovation existants, le document passe sous silence la problématique de l'enveloppe énergétique des résidences plus âgées, qui composent pourtant la grande majorité du parc immobilier résidentiel du Québec.

Enfin, dans le secteur commercial et institutionnel, le document fait cet étonnant constat: «Il est encore difficile aujourd'hui de connaître la facture énergétique des édifices publics et de mesurer l'atteinte des cibles prévues par la Stratégie énergétique.» Or, on note également que «l'efficacité énergétique du secteur commercial et institutionnel est moins élevée que celle des autres secteurs» et que «l'énergie solaire et la géothermie sont sous-exploitées et les édifices LEED demeurent pour l'instant des exceptions.»

La première table d'experts portant sur l'efficacité énergétique et l'innovation aura lieu le 13 février à Montréal et sera suivie d'une consultation publique. L'identité des experts, provenant du Québec et d'ailleurs dans le monde, reste à confirmer.

Les deux autres tables d'experts porteront sur les énergies renouvelables et les hydrocarbures. La politique énergétique 2016-2025 doit être rendue publique à l'automne 2015.

Le gouvernement Couillard a été critiqué pour cette démarche puisqu'il détient déjà un premier rapport présenté en février 2014 à la suite du dépôt de 460 mémoires et 300 présentations lors de 50 consultations publiques menées en 2013. En présentant sa démarche, en novembre dernier, le ministre des Ressources naturelles, Pierre Arcand, avait dit vouloir dégager des consensus autour des questions énergétiques, le premier rapport ayant fait l'objet de nombreuses critiques, notamment du milieu des affaires.