Le matraquage publicitaire de Trivago a tapé sur les nerfs de nombreuses personnes. Dans son cas, il lui est «rentré dans le subconscient».

«Pourquoi ne pas aller à Venise?», a demandé Marguerite Blais à son mari, Jean-Guy Faucher, cet été.

Le couple, marié depuis 35 ans, avait visité la ville avant d'adopter le premier de ses trois enfants. Un deuxième voyage là-bas avait une portée symbolique.

Il n'y avait pas de nuage à l'horizon. Il y avait bien eu ce soudain malaise de M. Faucher dans le solarium, mais pas question pour lui de se rendre à l'hôpital. Réaction d'un homme de sa génération.

Le couple s'est donc envolé vers Venise comme prévu. «La semaine s'est bien passée.» Mais son mari avait souvent du mal à marcher. Au retour, il a dû se déplacer en fauteuil roulant à l'aéroport. «À la maison, quelques jours plus tard, il ne se sentait vraiment pas bien. Je me suis dit que c'était peut-être du parkinson.» Peut-être.

À peine le temps de passer des examens à l'Institut de gériatrie, le drame survient à la maison: «Spasmes, convulsions, crise d'épilepsie, 911, ambulance, hôpital», déballe Mme Blais au bout du fil. «Un neurologue a découvert qu'il avait une tumeur au cerveau.»

Un glioblastome, la tumeur au cerveau la plus invasive. «C'est inopérable. Parce que si on l'opère, il paralyse.» Le choc. «C'est comme une masse qui te tombe sur la tête.» Son jeu de mots est probablement involontaire.

L'ex-ministre responsable des Aînés qui a mené une bataille pour les proches aidants en devient un, du jour au lendemain. «La vie, c'est étonnant parfois. On ne sait pas ce qui nous guette dans le détour.»

«Quand je suis arrivée aux Aînés, se souvient-elle, la première chose qu'on a faite, c'est reconnaître la première semaine de novembre comme la semaine des proches aidants.»

Être proche aidant, c'est évidemment plus qu'une semaine par année. C'est tous les jours. Marguerite Blais en était bien consciente. Mais on a beau avoir côtoyé des proches aidants, avoir annoncé des mesures pour leur venir en aide, avoir lu des dossiers épais comme ça sur le sujet, «on n'est jamais prêt pour ces moments-là».

«C'est tous les services à la vie quotidienne, explique-t-elle. Superviser la douche, les levers, aller aux toilettes, tout, tout, tout...»

Jean-Guy Faucher a subi jusqu'ici 30 traitements de radiothérapie, 52 de chimiothérapie. C'était à l'hôpital Notre-Dame. Au cinquième sous-sol. Avec du personnel masqué. Plein de machines. «C'est comme si on était dans un autre monde.»

Pendant quelques semaines, Jean-Guy Faucher a habité au centre d'hébergement de la Fondation québécoise du cancer. «Tout le monde vit ensemble, c'est un peu comme une commune. Il y a une cuisine commune, tu partages le quotidien de tout le monde. J'ai rencontré des gens de partout. J'ai pleuré et j'ai ri avec eux autres. J'ai vécu quelque chose d'inoubliable», relate Mme Blais.

Elle n'a pas abandonné son travail de députée. Mais elle ne peut être aussi présente qu'avant. «Quand j'allais à l'Assemblée nationale durant la session, je me trouvais des bénévoles qui me remplaçaient. Je prenais le train à 6h15 et je revenais par le train de 17h45. J'arrivais le soir à 21h. Toutes les fois qu'il se levait la nuit, je me levais. C'était exigeant. Après chaque traitement, il était extrêmement fatigué. Je n'ai pas pu faire ça très souvent.»

Le retour à la maison a été difficile pour son conjoint. Il a eu une réaction allergique à un médicament. On l'a remplacé par un autre. «Mais il n'était pas bien dosé.» Résultat: «Convulsions, 911, ambulance, hôpital» !

«Là il ne marchait plus du tout. Le côté gauche ne fonctionnait pas.»

Après quelques jours à l'hôpital, il est de retour à la maison depuis peu. Il reçoit des soins à domicile «excellents». «Et ce n'est pas comme ça parce que je m'appelle Marguerite Blais», répète-t-elle trois fois au cours de l'entrevue. Elle se dit «dépassée» par le professionnalisme des médecins, infirmières, technologues et autres spécialistes. «Des anges sur deux pattes.» Famille et amis l'épaulent. «Je ne pensais pas que j'étais entourée comme ça, que j'étais aimée autant.»

Mais tous ces bons soins n'ont pas eu raison de la tumeur. «Elle est toujours là.» Son mari doit subir d'autres traitements de chimiothérapie. «Il faut que je développe ma résilience. Je ne peux pas m'apitoyer sur mon sort. Il y a quelqu'un qui a besoin que je sois là», dit la députée sur le ton d'une personne qui se parle à elle-même pour se convaincre.

Sa vision de la politique a changé. Ironiquement, cette ancienne animatrice télé confie qu'elle a toujours été angoissée par les «lignes de presse» à répéter aux médias et par les questions des journalistes. «Je n'ai plus peur de parler maintenant. C'est comme si j'avais transcendé quelque chose avec ce qui s'est passé.»

La libérale a le goût de dire les vraies affaires. Sur Twitter, elle a critiqué le redécoupage des commissions scolaires proposé par son collègue Yves Bolduc. Au diable la ligne de parti!

C'est aussi sa vision de la vie qui a changé. «Je voulais adopter des enfants, mon chum m'a suivie là-dedans. J'ai voulu faire de la radio et de la télévision, mon chum m'a suivie. J'ai voulu faire une maîtrise et un doctorat, travailler en même temps, c'est lui qui faisait les courses et qui faisait à manger. Je me suis lancée en politique, il m'a soutenue là-dedans. C'est bien la moindre des choses de le soutenir alors qu'il est malade. Il m'a soutenue pendant 35 ans! Il m'a permis de me développer, et lui il a été dans l'ombre. Là il tombe malade, et moi, je ne m'occuperais pas de lui? Je suis peut-être en train de prendre conscience qu'il y a des valeurs très importantes dans la vie, plus importantes que de courir à droite et à gauche.»

Elle interrompt l'entrevue, des larmes dans la voix. «Jean-Guy se lève, je vais aller le voir.»

Elle revient. «Est-ce qu'il nous reste des choses à dire?» Elle parle quasi sans interruption depuis 30 minutes.

Oui, il reste une chose à dire. «Mon chum a un rêve: aller entendre l'orgue de la Maison symphonique. En principe, on y va bientôt.»

Marguerite Blais

• 64 ans

• Députée de Saint-Henri-Sainte-Anne depuis 2007

• Présidente du Conseil de la famille et de l'enfance de 2003 à 2007

• Animatrice à la radio et à la télévision de 1971 à 2002