Le gouvernement a présenté dimanche son plan d'action en itinérance 2015-2020, qui comprend une hausse du financement de 4,6 millions par année. Si ce plan a généralement été bien accueilli par divers intervenants du milieu, il n'a pas manqué de faire grincer des dents certains groupes, qui jugent les efforts insuffisants.

La ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, Lucie Charlebois, était de passage à l'Accueil Bonneau, à Montréal, pour annoncer des investissements totalisant 12,7 millions par année pour lutter contre l'itinérance, une augmentation par rapport aux 8,1 millions du plan 2010-2013.Ces sommes permettront de réaliser 31 actions et une centaine de moyens pour prévenir l'itinérance et aider les sans-abri à sortir de la rue.

Le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), qui a acquis une expertise en matière de santé mentale chez les sans-abri, recevra annuellement plus de 1 million sur les 4,6 millions supplémentaires, ce qui assurera la pérennité du programme PRISM, qui traite des sans-abri au sein même des murs de la Mission Old Brewery. Le Dr Paul L'Espérance, chef du département de psychiatrie du CHUM, a également confirmé à La Presse que cet argent permettra d'implanter l'équivalent du PRISM pour les femmes, «probablement» au pavillon des femmes de la Mission.

La survie du projet SOL du CHUM auprès des jeunes sans-abri qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie est aussi assurée.

«On est très contents, les modèles qu'on a inventés et adaptés sont reconnus. [...] C'est aussi une reconnaissance de notre expertise particulière», affirme le Dr L'Espérance.

Ce 12,7 millions s'ajoutent à l'enveloppe de 42 millions pour la construction de 500 logements sociaux réservés à la clientèle itinérante ou à risque de le devenir déjà prévue en 2014-2015. Dans l'ensemble, le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) est d'avis qu'il s'agit d'un «bon plan».

«Il y a de bonnes idées, mais les moyens sont insuffisants», indique toutefois Pierre Gaudreau, coordonnateur pour le réseau. Il cite en exemple la construction de 500 logements sociaux et l'absence d'engagement au-delà de 2015.

Le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) abonde dans ce sens. «Après 2015, le plan affirme seulement qu'au moins 10 % des logements prévus seront réservés aux personnes itinérantes, mais ça représente combien de logements?», a souligné François Saillant, de l'organisme.

Autre déception pour le FRAPRU et le RAPSIM: le gouvernement propose d'élaborer des «mesures touchant le revenu disponible des personnes en situation de pauvreté, dont les personnes seules». «Peut-on être encore plus vague?, s'insurge M. Saillant. Il n'y a rien là-dedans qui assure un revenu décent. Ce sont encore des voeux pieux.»

La Fédération des maisons d'hébergement pour femmes déplore de son côté le peu d'actions s'adressant précisément aux femmes, alors que les refuges pour cette population débordent.

«On parle peu des femmes dans ce plan», signale Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes.

«De l'argent est prévu pour les cinq maisons qui hébergent des femmes en situation d'itinérance à Montréal, on parle d'un accroissement du budget de 300 000$», a déclaré la ministre Charlebois après avoir été interrogée par les médias à ce sujet.

Le plan compte aussi mettre en place une «approche de proximité» mieux adaptée aux personnes âgées sans-abri, au grand soulagement du PAS de la rue. «Ça ouvre la voie à une augmentation de notre financement, mais dans un contexte d'austérité, on demeure inquiets», a indiqué Sebastien Payeur, directeur de l'organisme.

Une somme de 2,1 millions non récurrente sera également investie pour des projets particuliers, comme la formation des intervenants.

Quelques mesures concrètes

•Pour les toxicomanes : Implantation de centres d'injection supervisée.

•Pour les autochtones : Soutien financier aux centres d'amitiés autochtones partout en province, création de deux centres d'éducation pour adultes autochtones, augmentation de l'offre de services en désintoxication et en réadaptation pour la population du Nunavik.

• Femmes : Réalisation d'une recherche afin de documenter l'itinérance chez les femmes dans le but d'améliorer les interventions. Documentation des enjeux entourant la violence conjugale.

• Santé : Mise en place d'un processus allégé dans certains centres pour faciliter l'obtention d'une carte d'assurance maladie pour les sans-abri qui ont perdu leurs cartes d'identité.

• Personnes âgées : Mise en place d'une approche de proximité mieux adaptée aux réalités et aux besoins des sans-abri âgés. Documentation des besoins en matière de lits de convalescence pour les personnes âgées dont l'état de santé est compromis et mise en place des services appropriés.

• Pour les jeunes : Chaque établissement responsable d'offrir des soins et services en santé mentale assurera une continuité de services en éliminant la barrière 17-18 ans et en adaptant l'offre de services aux besoins des jeunes adultes.