Le gouvernement Couillard veut confier le cas de Pierre Karl Péladeau à un comité universitaire. Une décision qui a mis fin à des semaines de négociations avec l'opposition, et qui a été vertement dénoncée par le Parti québécois.

Le leader parlementaire du gouvernement libéral, Jean-Marc Fournier, souhaite que le Centre d'études sur les médias statue sur le double rôle du député de Saint-Jérôme, qui est à la fois élu à l'Assemblée nationale et actionnaire de contrôle de Québecor. Cet organisme interuniversitaire regroupe des chercheurs de l'Université Laval, de l'UQAM et des HEC Montréal.

Le mandat qui lui serait confié ne mentionne pas explicitement le nom de l'homme d'affaires. Québec souhaite qu'il étudie «les effets de l'influence que pourrait avoir un propriétaire ou un actionnaire de contrôle d'un média ou d'un groupe de médias sur le débat politique et la vie démocratique, notamment si ce dernier est un élu de l'Assemblée nationale».

M. Fournier ne s'en cache pas, «c'est la situation exceptionnelle de M. Péladeau qui incite à cette réflexion», a-t-il dit.

Le conseil d'administration du Centre d'études sur les médias doit se réunir d'ici vendredi pour décider d'accepter ou pas le mandat de Québec.

Dans l'affirmative, le comité ferait rapport à l'Assemblée nationale au printemps. Jean-Marc Fournier n'exclut pas que la démarche mène à des changements législatifs.

Le cas de M. Péladeau faisait l'objet de négociations depuis plusieurs semaines entre le gouvernement est les partis de l'opposition. Ces pourparlers ont achoppé mardi soir, ce qui a amené le gouvernement à trancher.

Cible

Le Parti québécois est d'accord pour saisir le Centre d'étude sur les médias de la question. Mais il souhaite un mandat plus large portant sur l'indépendance des médias et des journalistes par rapport à leurs propriétaires.

Le mandat décidé par le gouvernement cible directement M. Péladeau et vise à l'exclure de l'Assemblée nationale, dit le chef par intérim du parti, Stéphane Bédard.

«Ce qu'on voulait et ce qu'on veut encore, c'est faire un débat démocratique autour de l'indépendance des médias d'information, a-t-il indiqué. Et eux, ils refusent obstinément. Ils souhaitent absolument s'attaquer à la personne de Pierre Karl Péladeau.»

M. Péladeau a rappelé qu'il s'est engagé à placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard s'il prend la tête du PQ, bien que le fiduciaire aurait instruction de ne pas vendre les actions dans Québecor. Il a assuré que les journalistes oeuvrant dans ses entreprises ne subiront aucune pression de sa part.

«J'ai confiance aux médias, j'ai confiance aux journalistes, a-t-il résumé. Je pense qu'ils sont tous assez professionnels pour savoir ce qu'ils ont à faire et que, d'aucune façon, ils vont subir une influence en ce qui me concerne parce que ça n'a jamais été le cas dans le passé.»

Le député péquiste Pascal Bérubé, un supporter de M. Péladeau dans la course à la direction, estime que ce dernier développement trahit la peur des adversaires politiques du PQ.

«C'est fascinant de voir Québec solidaire s'allier avec le Parti libéral et la Coalition avenir Québec pour mettre en échec une candidature potentielle, a-t-il ironisé. C'est essentiellement une opération politique, et ultimement c'est les citoyens qui vont décider.»

La Coalition avenir Québec a appuyé l'initiative du gouvernement libéral. Son chef, François Legault, se dit convaincu que la présence sur les banquettes de l'Assemblée nationale de l'actionnaire de contrôle d'un empire de presse est un «problème majeur».

«Il faut séparer les pouvoirs entre le politique et les médias, a-t-il dit. Il y aura toujours un risque réel que certains journalistes, certains chroniqueurs, soient mal à l'aise chez Québecor de critiquer Pierre Karl Péladeau.»