Le front commun regroupant 400 000 employés de l'État réclame des augmentations de salaire plus élevées que 13,5% en trois ans. Ses demandes atteindraient même 16% en tenant compte d'une clause qui n'avait pas été détaillée jusqu'ici, a appris La Presse.

Le front commun est sur le point de conclure les consultations auprès de ses membres au sujet de ses demandes. Aucun changement majeur n'a été apporté, selon plusieurs sources syndicales consultées au cours des derniers jours. Le front commun déposera officiellement ses demandes au Conseil du trésor à la fin du mois. Québec aura 60 jours pour présenter son offre. Les négociations démarreront par la suite, alors que les conventions collectives seront échues le 31 mars prochain.

Jusqu'ici, les porte-parole syndicaux soutiennent qu'ils réclament des hausses salariales de 4,5% par année pendant trois ans, pour un total de 13,5%. C'est ce qu'ils avaient dit en présentant leur demande en conférence de presse à Montréal le 11 mai, un dimanche, le jour de la fête des Mères. Peu de détails avaient alors été communiqués.

Or les demandes syndicales comprennent une clause qui fait grimper les salaires encore davantage. Cette clause prévoit «un redressement supplémentaire équivalent à la portion de la croissance du PIB réel qui dépasse 1%».

Les plus récentes prévisions du ministère des Finances, que l'on retrouve dans le budget Leitao déposé en juin, démontrent que le PIB réel devrait augmenter de plus de 1% au cours des trois prochaines années. Québec prévoit 2% en 2015, 1,8% en 2016 et 1,7% en 2017. Il s'agit également de la moyenne des prévisions dévoilées par le secteur privé. Le front commun lui-même reconnaît ces chiffres dans ses documents. Il est donc conscient qu'une hausse supplémentaire est quasi acquise.

En tenant compte de cette clause, les salaires augmenteraient donc de 1% supplémentaire en 2015, de 0,8% en 2016 et de 0,7% en 2017. C'est 2,5% en trois ans pour des demandes salariales totales de 16%.

«Lorsque l'économie progresse, les travailleuses et les travailleurs qui ont contribué à l'accroissement de la richesse collective devraient pouvoir en bénéficier», soutient le front commun dans un document pour justifier cette clause.

Depuis 2010, le PIB réel a toujours été supérieur à 1% et a même atteint 2,3% en 2010, selon l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Taux fixe

Le front commun demande que la hausse supplémentaire prévue à la clause soit versée à ses membres en «montant fixe» plutôt qu'en «taux fixe». Cela signifie qu'un fonctionnaire gagnant 40 000$ par année recevra la même somme que celui qui a un salaire de 80 000$. Le front commun présente cette disposition comme un «geste de solidarité entre les plus hauts et les plus bas salariés du secteur public».

Lors des dernières négociations, Québec et le front commun s'étaient entendus sur une clause liée à la croissance économique, mais elle était beaucoup moins généreuse. On prévoyait verser une hausse salariale supplémentaire seulement si la croissance du PIB nominal était supérieure à 4,2%. C'est arrivé une seule fois, en 2011. Les employés ont alors eu une hausse additionnelle de 0,5% le 1er avril 2012.

La demande «de base» de 4,5% par an pourrait même être plus importante. Une tranche de 2% est réclamée à titre de «protection contre la hausse du coût de la vie». Mais si l'indice des prix à la consommation dépasse 2%, le front commun exige «un ajustement annuel égal à l'inflation». Depuis 2010, l'IPC a été supérieur à 2% une fois sur deux (3% en 2011 et 2,1% en 2012).

L'autre tranche de 2% par an est réclamée à titre de rattrapage salarial par rapport aux autres travailleurs québécois. Le front commun revendique en plus «une hausse résiduelle en fin de convention pour combler l'écart restant identifié par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ)». Cela signifie que si les hausses consenties pendant la durée de la convention ne comblent pas l'écart, Québec verserait des augmentations pour corriger la situation.

Selon la plus récente étude de l'ISQ, la rémunération globale (salaires et avantages sociaux) des employés du secteur public est inférieure de 8,3% à celle des autres travailleurs d'entreprises de 200 employés ou plus (du privé, du fédéral et des municipalités). Cet écart a plus que doublé depuis 2009.

Le front commun présente ses demandes comme une base de discussion. Il ne s'attend pas à ce que le Trésor les accepte.

La collision semble d'ailleurs inévitable à la table de négociations. Québec voudra limiter les hausses salariales pour atteindre l'équilibre budgétaire comme promis en 2015-2016 et le maintenir par la suite. Le Conseil du trésor calcule que chaque point de pourcentage versé en augmentation de salaire représente 388 millions de dollars.

Le front commun a refusé d'accorder une entrevue pour expliquer ses revendications. Il fera des commentaires seulement après le dépôt officiel de ses demandes.

Les demandes syndicales

• 2% par an à titre de protection contre la hausse du coût de la vie. Si l'indice des prix à la consommation du Québec dépasse 2%, il y aurait un «ajustement annuel égal à l'inflation».

• 2% par an à titre de rattrapage salarial. Il y aurait une «hausse résiduelle en fin de convention pour combler l'écart restant» avec les autres salariés québécois identifiés par l'Institut de la Statistique du Québec.

• Une hausse de 0,5% du salaire moyen du secteur public versé sous forme de montant fixe et intégré aux taux et aux échelles

• Une augmentation supplémentaire équivalant à la portion de la croissance du PIB réel qui dépasse 1%, versée en montant fixe

Ce qui veut dire...

• 2015: 4,5% + 1% lié à la hausse du PIB réel, selon les prévisions

• 2016: 4,5% + 0,8%

• 2017: 4,5% + 0,7%

• TOTAL: 13,5% + 2,5% = 16%

Les dernières hausses salariales

• 2010: 0,5%

• 2011: 0,75%

• 2012: 1,5% (dont 0,5% lié à la croissance économique)

• 2013: 1,75%

• 2014: 2%

Note: Le 31 mars 2015, une hausse de 1% sera versée parce que la variation cumulative de l'indice des prix à la consommation (IPC) pendant la durée des conventions collectives a été supérieure aux augmentations salariales versées au cours de la même période. Cette mesure est comprise dans l'entente conclue en 2010.