L'Assemblée nationale a adopté à la majorité, jeudi, la motion visant à modifier le Code d'éthique pour empêcher un député de contrôler une entreprise médiatique. Pour le premier ministre Philippe Couillard, «l'enjeu va se régler de façon politique» et non par un projet de loi: les militants péquistes puis, éventuellement, les électeurs porteront un jugement sur la situation de Pierre Karl Péladeau.

Seuls les députés péquistes se sont opposés à la motion de la Coalition avenir Québec. M. Péladeau a quitté le Salon bleu avant le vote. Les libéraux ont appuyé la motion et ont ensuite décidé que la commission parlementaire des institutions tiendra des consultations pour étudier cet enjeu. Son rapport serait remis le 19 novembre.

«Il me semble évident que l'issue de cet enjeu ne sera pas une issue autre que politique. Ce n'est pas par une motion à l'Assemblée nationale, ce n'est pas par un projet de loi que ça va régler la question», a soutenu Philippe Couillard lors d'une mêlée de presse jeudi, en marge d'une réunion du caucus libéral.

«La solution de cette situation sera politique, a-t-il insisté. Ce sera d'abord la décision de M. Péladeau, et je crois qu'il doit toujours évaluer les options (...). Et un jugement sera posé par, d'abord, les membres du Parti québécois et, éventuellement, l'électorat. C'est un enjeu politique qui doit être réglé politiquement.»

Selon lui, «la réalité politique est telle que (M. Péladeau) devra choisir. Et son choix fera l'objet d'un jugement de la part des militants du Parti québécois et de la population.»

Questionné pour savoir si son intention est de faire «durer le plaisir pour mettre M. Péladeau dans l'embarras», M. Couillard a répondu que «si on voulait faire ça, on ferait un projet de loi demain matin qui va traîner des semaines à l'Assemblée nationale où on va s'attaquer mutuellement sur toutes sortes de choses». Il veut que le débat se fasse en commission parlementaire avant de statuer.

M. Couillard a soulevé les difficultés que pose le dépôt d'un projet de loi.  «Il faut voir: est-ce qu'une modification législative est nécessaire ?», s'est-il demandé. Plusieurs lois pourraient devoir être modifiées, non seulement le code d'éthique des députés, mais aussi la loi sur l'exécutif et celle sur l'Assemblée nationale. «C'est assez compliqué. Quand on intervient de façon législative sur ces questions-là, normalement, on souhaite le faire à l'unanimité, par consensus des parlementaires, ce qui nous semble, compte tenu des débats (de mercredi), assez hypothétique», a-t-il dit. Il faut l'unanimité «si possible», «sinon ça va finir par un déchirement partisan qui va laisser les citoyens assez amers».

C'est ce qui lui fait dire que «l'enjeu va se régler de façon politique». «Pourquoi? Parce qu'au bout de l'avenue, c'est la décision que M. Péladeau prendra, c'est l'examen qu'on en fera qui sera accessible aux citoyens. C'est le jugement que porteront là-dessus les militants du Parti québécois si M. Péladeau présente sa candidature et éventuellement à une élection générale s'il devait gagner une hypothétique course dans laquelle il serait candidat.»

Contrairement à son chef, le leader parlementaire Jean-Marc Fournier a soutenu que le gouvernement veut faire adopter une loi. «L'objectif ici est de faire une législation qui protège la démocratie, la liberté d'information», a-t-il dit.

Il croit que la commission parlementaire pourrait convaincre le Parti québécois de reconnaître que la situation de M. Péladeau est intenable. Mais pour adopter une loi, l'appui de l'opposition officielle «n'est pas obligatoire». Il vise un «consensus le plus large possible».

Le chef par intérim du Parti québécois, Stéphane Bédard, martèle que la motion présentée par la CAQ et appuyée par le PLQ et QS est une «attaque frontale sur la démocratie». Il accuse ses adversaires politiques de vouloir changer les règles dans le seul but d'embarrasser un député.

M. Bédard affirme par ailleurs qu'il est impossible de changer le Code d'éthique et de déontologie sans l'appui unanime des députés de l'Assemblée nationale.

«Il est évident qu'il n'y aura aucune modification des règles qui vise un seul individu en particulier pour le priver de ses droits démocratiques. Toute modification aux règles déontologiques doit faire l'objet d'une unanimité.»