Le gouvernement Couillard prend les grands moyens pour contrôler la taille de la fonction publique, et ainsi augmenter ses chances d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2015-2016.

Avec le projet de loi 15, déposé jeudi par le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, Québec confirme sa décision de décréter un gel global des effectifs, et ce, au moins jusqu'à mars 2016.

Du même souffle, le gouvernement réaffirme par voie législative sa détermination à ne tolérer aucun obstacle sur sa route.

«Il y a un frein très sérieux qui va être mis à la croissance des effectifs», a résumé en conférence de presse M. Coiteux.

Québec voit grand et tire dans toutes les directions, car ce gel ne vise pas seulement les ministères et organismes de l'État. Seront également touchés les réseaux de la santé et de l'éducation, les sociétés d'État, les commissions scolaires, les cégeps et les composantes de l'Université du Québec, de même que la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Au total, on parle de quelque 640 000 personnes, même si on ne connaît pas le nombre exact, un fait que le projet de loi vise aussi à corriger.

Le frein appliqué par Québec devrait se traduire par une économie de l'ordre du demi-milliard de dollars, en 2015-2016.

À ce gel des effectifs pour l'ensemble de l'appareil de l'État, s'ajoute un gel de l'embauche pour le secteur public comme tel.

Le projet de loi donne plus de pouvoir de vérification et de surveillance au président du Conseil du trésor en matière de mouvement d'effectifs, et il accroît par le fait même la reddition de comptes exigée des dirigeants de l'État.

Par exemple, une personne ayant un poste de cadre dans un organisme gouvernemental ne pourra plus prendre sa retraite un vendredi et revenir travailler à contrat le lundi suivant, en empochant une double rémunération.

Ce genre de stratagème ne sera plus possible. Pas question pour un dirigeant de tenter de contourner la norme du gel global des effectifs en donnant des contrats de service à gauche ou à droite: l'attribution de contrats de service sera désormais très encadrée, nécessitant l'autorisation d'un dirigeant.

Les dirigeants et cadres qui ne respecteraient pas la loi s'exposeront à des sanctions, risquant de voir leur organisme mis en tutelle ou leurs subventions coupées, a prévenu M. Coiteux.

«Dans d'autres cas, ils peuvent être sommés de faire une reddition de comptes supplémentaire pour qu'on puisse s'assurer qu'ils respectent les objectifs de la loi», a précisé le ministre.

Pour mieux contrôler ses effectifs, Québec va commencer par s'assurer qu'on dispose des bons chiffres, en ayant «une connaissance fine» du nombre d'employés payés par l'État. Actuellement, il est apparemment impossible de dire avec exactitude combien de personnes travaillent au sein de la fonction publique et parapublique québécoise, dans les réseaux et les sociétés d'État.

En matinée, lors d'un bref point de presse en marge d'une réunion du caucus des députés libéraux, le premier ministre Philippe Couillard avait fait valoir que le gouvernement avait besoin de cet outil de mesure pour prendre «les décisions éclairées» qui s'imposeront, quant à la taille future de l'État.

Il a indiqué qu'il fallait tenir compte du fait que 15 000 fonctionnaires par année prendront leur retraite au cours des prochaines années.

Selon le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, la situation actuelle rend difficile l'évaluation de la performance du réseau de la santé, qui ne peut plus soutenir la croissance des coûts des dernières années, a-t-il dit en point de presse. La santé est le secteur regroupant le plus grand nombre de salariés de l'État, soit environ 270 000 personnes.

La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec-FIQ, Régine Laurent, a déploré que le projet de loi 15 s'inscrive «dans l'idéologie d'austérité du gouvernement».

«C'est une volonté de tout contrôler pour mieux couper», selon Mme Laurent, qui juge que le gouvernement centralise encore plus de pouvoirs à Québec.

Du côté de la Coalition avenir Québec (CAQ), le député de Groulx, Claude Surprenant, s'est montré étonné, en Chambre, de constater que les libéraux ont été au pouvoir pendant près de 10 ans, de 2003 à 2012, et n'ont pas pris la peine de tracer un portrait précis des effectifs de la fonction publique.