Inquiet de la violence de la réaction de la population, le gouvernement Couillard ne touchera pas au programme d'assurance parentale. En revanche, une longue liste de compressions est à prévoir du côté de l'aide sociale et de l'emploi. On espère épargner ainsi 211 millions dès 2015-2016.

Selon les informations obtenues par La Presse, Québec a renoncé depuis un bon moment à apporter des modifications au programme d'assurance parentale. Évoqués dans certains médias, ces resserrements avaient suscité une vive désapprobation chez les élus libéraux, un tollé qui se faisait l'écho des doléances entendues dans leurs circonscriptions. D'une part, il n'y a guère d'économies à faire pour Québec dans cette opération, d'autre part, le gouvernement Couillard est déterminé à ajuster les tarifs de garderies en fonction des revenus des parents. Si on agit sur les deux fronts à la fois, avec des mesures frappant de plein fouet les jeunes familles, «la bouchée serait politiquement trop grosse», explique-t-on.

C'est la confirmation qu'ont obtenue, hier, une vingtaine de députés libéraux qui ont assisté, tôt hier matin, à une présentation privée du ministre de l'Emploi, François Blais. Ils ont même chargé le ministre de faire part au Conseil du trésor de leur désapprobation totale à l'égard de compressions du programme d'assurance parentale. Ce scénario mis rapidement à l'écart, le ministre Blais a, pour recueillir leurs observations, présenté une longue liste de mesures d'économies préparées par son ministère. La série de compressions mises de l'avant, sur l'aide sociale, notamment, a obtenu l'approbation tacite des élus, confie une source présente à l'exercice. Au cabinet du ministre Blais, on s'est borné à confirmer la rencontre sans divulguer la teneur des échanges.

L'objectif du ministère de l'Emploi est 211 millions d'économies dès l'an prochain, pour participer à l'atteinte du déficit zéro. Le Ministère, qui compte 6000 employés, dont 1200 occasionnels, envisage de se départir de 500 de ces employés sans sécurité d'emploi, soit une économie de 20 millions par année.

Sur les mesures d'emploi, les mesures mises de l'avant, Québec veut revoir de fond en comble le mandat des Carrefours Jeunesse Emploi, créés en 1997, 110 organismes répartis sur tout le territoire qui ont pour mission de favoriser l'entrée des jeunes sur le marché du travail. Avec 70 millions de budget annuel (dont 45 viennent d'Ottawa), ces carrefours ne sont pas soumis à une reddition de comptes rigoureuse. Ils peuvent choisir leurs clients et laissent trop souvent pour compte des jeunes à problèmes issus de familles à l'aide sociale et susceptibles de s'y incruster. Québec va désormais choisir la clientèle à leur place et leur imposer l'atteinte de résultats.

Aide sociale: finis, les voyages

D'autres mesures suggérées par le Ministère visent à réduire, cette fois, la facture d'aide sociale, plus de 1,4 milliard par année. Québec vise avant tout, insiste-t-on, à préserver l'équité entre les bénéficiaires de ce programme de dernier recours et les salariés à très bas revenu.

Ainsi, on envisage d'organiser le croisement de fichiers avec Douane et Accise Canada pour repérer les bénéficiaires de l'aide sociale qui sortent fréquemment du pays. La discussion avec Ottawa n'est pas entamée, mais elle devrait se dérouler rondement. Actuellement, rien n'empêche un bénéficiaire de passer 29 jours par mois hors du Québec. Le nombre de jours exigés de résidence au Québec n'est pas fixé, mais «il est certain qu'il faudra que tu sois davantage au Québec en train de te chercher une job plutôt qu'en vacances dans le Sud», résume-t-on. Économie attendue avec la fin de ces migrations: 2 millions par année.

Depuis 2007, Québec ne tient plus compte de la valeur de la résidence des bénéficiaires de l'aide sociale. La bulle immobilière avait à l'époque fait exploser la valeur des maisons et instaurer ce critère pour l'obtention d'aide sociale aurait été inéquitable. Toutefois, Québec tiendrait à nouveau compte de la valeur de la résidence dans le calcul de la prestation d'aide sociale. Actuellement, on peut toucher cette aide de dernier recours tout en occupant une résidence de 500 000$. On pourrait fixer un seuil, 200 000$, par exemple, avant que la valeur de l'actif ne soit prise en compte. L'économie prévue avec cette mesure est de 2,5 millions.

Une mesure plus payante; Québec pourrait faire 15 millions d'économies par année en resserrant les règles sur le partage du logement. Aujourd'hui, un bénéficiaire de l'aide sociale peut louer jusqu'à deux chambres dans son appartement sans qu'on en tienne compte dans le calcul de sa prestation. Le deuxième chambreur entrera désormais dans les calculs.

Québec veut aussi empêcher les bénéficiaires qui ont fraudé l'aide sociale de percevoir un revenu sans impact sur leurs prestations. En ce moment, tous les bénéficiaires ont le droit de gagner 200$ par mois sans que leur chèque mensuel soit réduit. Un million de dollars d'économies est attendu de cette disposition. Cette dernière mesure est la seule à avoir fait sourciller les élus, de confier une source présente à la réunion.

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard