Tout le monde prédit l'apocalypse. Les manchettes se multiplient, prévoyant à l'unisson un «automne chaud», une collision entre le gouvernement Couillard et l'ensemble des syndiqués du Québec. Tout le monde pousse les hauts cris, mais l'affrontement décrit à l'avance aura-t-il lieu?

En secret, les centrales syndicales rencontraient hier après-midi la responsable de la Commission de révision des programmes, l'ex-ministre Lucienne Robillard, et le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. «Ça va être difficile», prédit-on. La ponction de 3,2 milliards, la «commande» de Québec, est énorme, la CSN fera le point la semaine prochaine en conseil confédéral, la FTQ tient un bureau au même moment, mais le véritable ralliement aura lieu plus tard, en octobre. Partout, le même constat du côté syndical: Québec pense ne pas devoir remplacer les 15 000 employés qui partiront à la retraite; pensait-il vraiment que tous ces gens étaient payés à ne rien faire?

Mais de la réunion d'hier comme de celle de la semaine dernière avec M. Coiteux seulement, on garde l'impression que l'affrontement annoncé sera moins violent que prévu. On est loin de l'automne 2003 où, fraîchement élu, le gouvernement Charest était contesté par tous les groupes, qui scandaient «On n'a pas voté pour ça». Les barrières pour les manifestations restaient en permanence devant l'Assemblée nationale pour freiner la protestation du jour, de la modification à l'article 45 du Code du travail jusqu'à la désaccréditation d'unités syndicales en santé. Les centrales constatent que ces rendez-vous avec Québec reviennent périodiquement et qu'il faudra prendre des décisions importantes pour casser ce «pattern» des rendez-vous périodiques avec la moulinette. Constat: les leaders des centrales sont de mauvaise humeur, ce sera un passage pénible tout l'automne, mais «personne n'est sur le sentier de la guerre».

«La lune de miel du gouvernement suivant les élections est pas mal terminée, mais les gens sont préparés à des gestes difficiles», observe Youri Rivest, vice-président de CROP. Pour lui, un critère fera foi de tout: «Les Québécois n'accepteront pas s'ils ont l'impression que les décisions sont injustes.» La prime du ministre-médecin Yves Bolduc, les hausses des salaires des médecins, les autos fournies pour les officiers de la SQ laissent un arrière-goût amer aux électeurs.

Les efforts concentrés sur le projet de loi 3

C'est aujourd'hui la reprise des travaux à l'Assemblée nationale. Il n'y aura pas de pluie de projets de loi; le gouvernement Couillard veut concentrer tous ses efforts à faire avancer le projet de loi 3, sur les retraites du secteur municipal. Le principe devrait être adopté demain à l'Assemblée nationale, ouvrant la porte à l'étude article par article et aux amendements en commission parlementaire. Le ministre Moreau va encore jeter du lest, «va donner de la flexibilité», les régimes totalement capitalisés auront droit à des assouplissements - on en compte une dizaine sur les 172 visés par la loi 3. On doit s'attendre aussi à un amendement, déjà évoqué par La Presse, pour les villes et leurs employés qui ont conclu des ententes sur des modifications à leurs régimes de retraite.

Le ministre Gaétan Barrette veut aller vite avec sa réforme structurelle du réseau de la santé, mais il n'a pas encore fait cheminer son dossier dans le dédale des comités ministériels. Il peut faire son annonce comme prévu en septembre, mais son projet de loi ne pourra être prêt avant octobre. Il veut avoir une seule gestion commune par région pour tous les établissements de santé. Cette possibilité existait déjà dans la loi lors de la création des CSSS, reste à voir à quel point Québec pourra l'imposer.

Avec les médecins, on sent à Québec que les discussions progressent, en dépit des ultimatums quasi quotidiens du ministre Barrette. Québec voulait l'étalement sur neuf années de la hausse de 1 milliard, il sera prêt à réduire la période.

Avec l'ensemble des centrales du secteur public, Québec n'a pas encore évoqué formellement le gel salarial - il a jusqu'au début janvier pour abattre ses cartes. À l'interne, bien des observateurs voient déjà qu'il sera impossible d'accorder des hausses salariales au début de la convention, à tout le moins. Philippe Couillard souhaite éviter quatre années de gel, mais martèle du même souffle que même à zéro augmentation, la facture salariale de Québec augmente de 5,4 milliards sur quatre ans à cause des seuls avancements dans les échelons. Le gouvernement plaide que sa marge de manoeuvre est inexistante.

Moins d'argent pour les universités

Dans le réseau de l'éducation, le gouvernement va réduire de 172 millions l'enveloppe des universités. 130 millions étaient déjà prévus par le gouvernement Marois qui avait choisi, stratégiquement, de ne pas déposer ses crédits budgétaires, ses prévisions de dépenses avant de déclencher des élections. Une loi sur le contrôle des effectifs et une série de projets de loi découlant du budget de Carlos Leitao déposé en juin sont au menu.

Sur les commissions scolaires, Québec attendra les résultats des élections et a hâte de voir leur attitude devant les compressions budgétaires. L'intention de couper dans l'aide aux devoirs est de mauvais augure, prédit-on, et le comité de Lucienne Robillard a le mandat d'aiguiser son crayon en se penchant sur la situation.