Le gouvernement tire au moins un avantage de la controverse entourant les primes perçues par le ministre Yves Bolduc, a déclaré mercredi le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.

M. Bolduc a expliqué qu'il a pris cette décision après avoir réalisé l'ampleur de la controverse soulevée par sa décision d'abandonner la pratique médicale après l'élection, malgré une prime de 215 000 $ qui lui avait été versée pour prendre en charge des nouveaux patients.

Le ministre se départira ainsi d'une somme plus importante que celle qu'il s'attend à devoir à rembourser à la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), qui examine actuellement son dossier.

La semaine dernière, M. Bolduc a reconnu qu'il a perçu des primes de 100 $ à 200 $ pour 300 à 400 patients qu'il n'a pas pu suivre pendant la période minimale de 12 mois. En vertu des règles administratives convenues entre le gouvernement et les représentants des médecins omnipraticiens, la RAMQ ne peut réclamer que la moitié de ses sommes.

Mais mercredi, M. Bolduc a expliqué qu'il ne gardera aucune des primes reçues pour des patients pris en charge pendant moins de 12 mois.

«Étant donné qu'on est en politique, je n'ai pas une obligation de le faire, mais je pense qu'à ce moment-ci, je pense que c'est important de dire aux gens : écoutez, le montant que je vais avoir reçu, je vais en rembourser 100 pour cent pour les patients que je n'ai pas pu assumer pendant 12 mois», a-t-il dit aux journalistes.

Contrairement à ce qu'il a fait précédemment, M. Bolduc n'a pas voulu s'avancer sur le nombre de patients pour lesquels il n'a pu assurer la durée minimale de prise en charge.

«Ça, je ne peux pas vous le dire parce qu'on va attendre la lettre de la RAMQ», a-t-il dit, en précisant que le document sera disponible d'ici deux à trois semaines.

Après la défaite des libéraux, en septembre 2012, M. Bolduc avait repris sa pratique médicale, poursuivant ses activités de député de l'opposition en même temps. Dix-neuf mois plus tard, après sa nomination au conseil des ministres par Philippe Couillard, M. Bolduc a abandonné sa pratique.

La semaine dernière, le ministre avait expliqué qu'il s'attendait à devoir rembourser entre 40 000 $ et 60 000 $ à la RAMQ pour des primes auxquelles il n'avait pas droit.

La Coalition avenir Québec (CAQ) ainsi que l'ancien ministre libéral de la Santé Claude Castonguay ont réclamé sa démission. Le Parti québécois l'a pressé de rembourser la totalité de la somme de 215 000 $, sans quoi il devrait être démis de ses fonctions.

Mercredi, lors d'un bref point de presse dans un corridor de l'Assemblée nationale, avant le conseil des ministres, M. Bolduc a expliqué qu'il mesure l'ampleur de la controverse soulevée par sa situation.

«J'ai pris conscience du débat public, au sujet de ma situation comme médecin, je suis très conscient que ça suscite des questionnements, a-t-il dit. Mais à ce moment-ci je tiens à le dire, j'ai vraiment fait de mon mieux comme médecin et comme député.»

Le cabinet de M. Bolduc a indiqué mercredi qu'il ne réclamera pas les reçus d'impôts relatifs au don qu'il compte faire à un organisme caritatif qu'il a situé dans le secteur des relations avec les patients.

Dimanche, questionné au sujet des règles de la RAMQ qui n'exigent qu'un remboursement de 50 pour cent, le premier ministre Philippe Couillard n'avait pas voulu s'avancer sur la possibilité que M. Bolduc rembourse 100 pour cent.

M. Couillard avait affirmé qu'il attendrait le dépôt du rapport de la RAMQ avant de statuer sur la question.

«Une fois qu'on aura ce rapport (de la RAMQ), qui ne sera pas très long à présenter, on vous reviendra là-dessus», avait-il dit à l'occasion d'une conférence aux États-Unis.

Mercredi, M. Bolduc a indiqué qu'il avait pris la décision de rembourser davantage qu'il lui sera réclamé après une conversation avec M. Couillard.

«Je m'engage à donner le montant équivalent à une fondation, à un organisme de charité en relation avec les patients, pour qu'à la fin, les patients que je n'ai pas pu assumer pour plus de 12 mois, qu'à ce moment le montant (reçu) va être donné au complet et ça je pense qu'il faut le faire de bonne foi et de façon très volontaire», a-t-il dit.

Fédérations affaiblies: Barrette provoque la colère des médecins

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, s'est attiré les foudres de ses ex-collègues médecins spécialistes, mercredi, après avoir affirmé que le gouvernement tire au moins un avantage de la controverse entourant les primes perçues par le ministre Yves Bolduc.

M. Barrette, un ancien radiologiste, a fait cette précision en faisant le point sur les négociations qu'il mène actuellement pour obtenir un étalement des hausses salariales des médecins.

À la sortie du conseil des ministres, lors d'un échange avec la presse parlementaire, M. Barrette a reconnu que la controverse affaiblit la position des fédérations médicales.

«Les médecins par définition considèrent qu'ils ont un peu un rapport de force très grand vis-à-vis le gouvernement, a-t-il dit. Je ne pense pas qu'actuellement la situation aide les fédérations médicales.»

Selon le ministre de la Santé, les perceptions de l'opinion publique ont un impact sur les discussions avec les deux fédérations, qui représentent les spécialistes et les omnipraticiens à la table de négociations.

«Disons que ça permet d'éveiller les esprits, a-t-il dit. (...) À la table de négociations, j'ai toujours dit à mes ex-collègues que l'opinion publique était un enjeu en ce sens que la population s'attend à avoir des services pour les impôts qu'elle paie et qu'à la négociation on devait nous, comme gouvernement, prendre ça en considération, a-t-il dit. Et je peux vous assurer que je le prends.»

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), dont M. Barrette a été le président jusqu'à l'hiver dernier, a répliqué sèchement dans un communiqué, en faisant valoir que le ministre s'est lui-même discrédité dans le dossier Bolduc.

«Non seulement de tels propos sont déplorables, mais ils sont tordus et contribuent à alimenter le cynisme de la population à l'endroit de toute la classe politique, à commencer par le ministre de la Santé lui-même, a déclaré Diane Francoeur, présidente de la FMSQ. Si le ministre considère que "l'opinion publique est un enjeu", il devrait réfléchir à ce que la population pense de lui depuis qu'il est venu à la défense de son collègue Bolduc la semaine dernière en insultant plusieurs personnes au passage.»

Mme Francoeur a affirmé que les propos de M. Barrette nuisent à ses relations «bilatérales présentes et futures avec les fédérations médicales».

«Son premier ministre devra probablement le rappeler à l'ordre une fois de plus», a-t-elle dit.