Le premier ministre Philippe Couillard a remis en question le développement des barrages hydroélectriques Romaine-3 et Romaine-4, lundi après-midi, tout en continuant de plaider que les surplus d'Hydro-Québec constituent une occasion pour le Québec.

C'est la première fois que le premier ministre émet des doutes quant à la construction de ces infrastructures dont la valeur se chiffre en milliards de dollars. Elles devaient s'ajouter à Romaine-1 et Romaine-2 - presque terminés - pour compléter le supercomplexe dont la construction a commencé en 2009.

La possibilité que ces projets soient purement et simplement abandonnés «va faire partie de nos réflexions», a-t-il ajouté. Les deux projets de barrage, «on va les évaluer et on va voir quel est le besoin dans les deux secteurs» que sont la filière industrielle et l'exportation d'hydroélectricité.

«Pour développer des nouvelles phases, on n'en est pas là encore. On va finir ce qu'il y a en cours en ce moment», a-t-il encore dit, alors qu'il était en déplacement au New Hampshire.

Plus tôt cette année, la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec recommandait justement d'étudier «sans délai l'opportunité de suspendre les investissements dans le complexe de la Romaine-3 et de la Romaine-4».

«Alors que le développement du complexe de la Romaine s'appuyait essentiellement sur les marchés d'exportation, cet investissement ne pourra pas être rentabilisé, surtout avec les surplus dont dispose Hydro-Québec aujourd'hui», affirmaient les auteurs du rapport.

Mais Philippe Couillard s'est dit en désaccord avec cette vision, qui considère les surplus d'électricité comme un «problème» majeur pour la province. «C'est un atout formidable» que plusieurs nations nous envient, a-t-il dit.

Opération charme

Le grand patron d'Hydro-Québec croit d'ailleurs que le froid sibérien qui s'est abattu sur le nord-est des États-Unis l'hiver dernier constitue peut-être son meilleur argument de vente pour écouler ces surplus.

Thierry Vandal s'est déplacé avec Philippe Couillard à la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'est du Canada, au New Hampshire, afin de faire la promotion de son hydroélectricité.

Le PDG a souligné que les grands froids de l'hiver dernier avaient créé des factures extrêmement salées pour les États américains qui sont dépendants d'électricité issue du gaz naturel, de la filière nucléaire ou du charbon.

«Il y a un besoin réel» pour les exportations électriques du Québec, a-t-il fait valoir. «Le gouverneur du Connecticut soulignait à quel point le dernier hiver a été coûteux ici en Nouvelle-Angleterre parce qu'ils étaient vraiment à la limite de leurs infrastructures.»

Quelques minutes plus tôt, le gouverneur Dannel Malloy rappelait effectivement que les États de la région avaient dû payer 3,5 milliards de plus en électricité que l'hiver précédent en raison des grands froids. C'est l'équivalent «de deux lignes de transmission à haute tension [1200 mégawatts] à destination de la Nouvelle-Angleterre seulement avec les frais supplémentaires», a-t-il dit.

«Nous aurons à dépasser les frontières de notre État et les frontières de la Nouvelle-Angleterre pour régler ce problème énergétique», a ajouté le gouverneur Malloy.

Opposition aux États-Unis

L'élu faisait allusion aux projets de construction de lignes d'exportation de l'hydro-électricité québécoises jusqu'en Nouvelle-Angleterre. Certaines d'entre elles font face à une forte opposition dans la population. La ligne Northern Pass, par exemple, est mal acceptée en raison de l'impact qu'elle aurait sur le paysage sauvage du New Hampshire.

Philippe Couillard a promis de laisser les Américains régler ces questions entre eux, sans s'ingérer. «Le Québec n'a aucune intention de se mêler à ces débats politiques», a-t-il dit. «Il y a une fenêtre qui s'ouvre devant nous pour développer ces échanges davantage [...] dans le respect le plus total des débats politiques que vous devrez avoir.»

Thierry Vandal a réitéré ce message. «Ils ont besoin d'énergie renouvelable et ils voient la grande Hydro, venant du Nord, comme faisant partie de la solution. À savoir maintenant quelles infrastructures ils vont mettre en place, ça, c'est une question qui doit se résoudre au niveau de la Nouvelle-Angleterre. Le premier ministre a été très clair», a-t-il dit.