Le torchon brûle entre la ministre des Relations internationales Christine St-Pierre et son prédécesseur Jean-François Lisée. La première soulève publiquement des doutes en matière d'intégrité relativement aux dépenses de l'ancien ministre, alors que le second l'accuse de tenter de faire diversion pour noyer l'« affaire Bolduc ».

En 18 mois, l'ancien ministre péquiste des Relations internationales et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée, a réalisé 15 missions à l'étranger qui ont coûté 214 894 $, selon des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Ce qui fait toutefois tiquer la ministre Christine St-Pierre, c'est 11 missions et escales à Paris - selon ses calculs - au cours desquelles M. Lisée en aurait profité pour rendre visite à sa conjointe et deux de ses enfants qui résidaient temporairement à une heure de Paris.

« J'ai demandé qu'on regarde de façon plus approfondie ces dépenses, ce n'est pas qu'une question de chiffres, mais de fréquence des missions [...] Est-ce que M. Lisée défendait les intérêts supérieurs du Québec en faisant autant de missions et en ayant chaque fois une portion privée? Il faut se poser des questions », soulève-t-elle.

Joint à Paris vendredi, M. Lisée conteste le nombre de 11 visites à Paris. « C'est impossible, insiste-t-il. Ce procès, c'est absurde et malveillant et mesquin », ajoute-t-il. Sur son blogue, il a d'abord réagi vendredi matin à la sortie de Mme St-Pierre et précisé qu'il se souvenait de trois missions à Paris. À La Presse, il déclare avoir vérifié ses agendas et dénombre maintenant cinq missions.

La Presse dénombre également cinq missions officielles à Paris et six missions en Afrique, Asie et Europe. Les escales n'apparaissent pas sur nos documents, mais M. Lisée ne compte, de mémoire, que deux transits par Paris, soit lors de ses missions en Chine et au Japon. Des montants de 7069 $ et 7988 $ ont respectivement été réclamés en vols commerciaux lors de ces missions, mais le détail n'apparaît pas. L'ancien ministre assure que les billets n'étaient pas plus chers avec ces escales.

Lors de ces missions ou escales, il ajoute avoir notamment pris un vol de retour au Québec avec sa famille en classe économique avec Air Canada et un autre avec Corsair. « C'était la première fois qu'ils voyaient un ministre en classe économique. Ça veut dire que j'ai fait économiser quelques milliers de dollars au Trésor », explique-t-il.

Il assure que toutes les dépenses personnelles encourues lors de ses voyages prolongés pour des raisons familiales ont été payées de sa poche. Quant aux frais de péage et d'essence lorsque le chauffeur du délégué général le reconduisait chez sa femme, il assure avoir demandé les factures et dit les avoir payées.

Ces dépenses en voiture n'apparaissent pas dans les documents obtenus par La Presse. On remarque toutefois qu'aucuns frais de logement n'ont été réclamés lors d'une mission de quatre jours à Paris.

Une vengeance?

M. Lisée croit que Mme St-Pierre cherche à se venger. En 2013, il avait dénoncé une double comptabilité chez les libéraux selon laquelle les fonctionnaires auraient reçu l'ordre d'exclure des demandes d'accès notamment les frais de voiture, les services photographiques, les accueils aéroportuaires, les frais d'inscription à des colloques.

On retrouve quelques-uns de ces frais dans les documents concernant les missions de M. Lisée, mais celui-ci ne pouvait garantir qu'ils ne contenaient aucune omission de « bonne foi » de la part de fonctionnaires puisqu'il n'avait pas pu consulter les documents de La Presse.

M. Lisée suppose également que les libéraux tentent « désespérément » de faire diversion pour faire oublier la mauvaise semaine qu'ils ont connue. Depuis une semaine, le gouvernement est critiqué en raison d'une prime de 215 000 $ qu'a touchée le ministre Yves Bolduc pour prendre en charge des patients qu'il a laissé tomber 19 mois plus tard.

Mme St-Pierre rejette ces deux explications. « Il n'a jamais documenté ce qu'il disait », précise-t-elle au sujet des allégations de double comptabilité. Elle ajoute que plusieurs ministères et délégations peuvent engager différentes dépenses qui n'apparaissent pas toujours en totalité selon les demandes d'accès. Quant à la théorie de la diversion, elle souligne que ce sont les journalistes de Québecor qui ont sorti l'histoire jeudi et qu'elle n'a rien à voir avec le moment de sa publication.

- avec la collaboration de Serge Laplante