Au centre d'une controverse en raison d'une prime totalisant 215 000 $, le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, a reconnu, mardi, qu'il a pris des patients en charge sans assurer l'engagement minimal prévu pour obtenir ce dédommagement.

M. Bolduc a rencontré la presse parlementaire, au lendemain de l'annonce d'une opération de recouvrement qui sera lancée l'automne prochain par la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ), pour faire la lumière sur ses activités d'omnipraticien alors qu'il était député dans l'opposition, jusqu'en avril dernier.

Ancien ministre de la Santé, M. Bolduc a estimé que, sur les 1500 patients pour lesquels il a reçu une prime, il n'a pu assurer la période de prise en charge minimale de 12 mois prévue par la RAMQ à 300 ou 400 d'entre eux, ce qui le forcera à rembourser entre 40 000 $ et 60 000 $.

«Si tu ne suis pas ton patient pendant un certain temps, il y a une partie de remboursement qui est faite, a-t-il dit. Puis ça je m'attends à le faire.»

M. Bolduc a expliqué que la majorité des patients sans médecin de famille, pour lesquels il a touché une prime variant de 100 $ à 200 $ afin de les inscrire dans sa pratique, a été prise peu après la défaite des libéraux, en septembre 2012.

Lundi, Claude Castonguay, l'ancien ministre libéral de la Santé, a réclamé la démission de M. Bolduc de ses fonctions ministérielles, en raison de son comportement inacceptable, ce dont le médecin s'est défendu en insistant sur son ardeur au travail.

«Ce n'est pas gourmand, je suis un des plus travaillants, a-t-il dit. La différence, c'est que quand tu travailles, je charge pour ce que je fais, comme tous les docteurs au Québec, mais moi, j'en faisais avec des 14 puis 15 heures par jour. En trouvez-vous beaucoup, des docteurs qui travaillent toutes les fins de semaine, ou à peu près toutes les fins de semaine, au cours de 18 derniers mois? Il n'y en a pas un seul au Québec.»

M. Bolduc a affirmé qu'il était la plupart du temps disposé à accepter de nouveaux patients, contrairement à d'autres médecins de famille, ce qui explique qu'il soit l'un des trois omnipraticiens québécois à avoir accepté le plus de patients qui n'étaient pas pris en charge.

«Dans la majorité du temps, je disais oui, a-t-il dit. Pourquoi? Parce que, comme médecin, là, ce n'est pas compliqué, là, tout le monde va vous le dire, j'ai un grand coeur.»

M. Bolduc a estimé qu'en plus de ses fonctions de député, il consacrait chaque semaine une vingtaine d'heures à sa pratique dans une clinique privée de Québec, durant les 19 mois qui ont précédé le retour au pouvoir des libéraux.

«Je savais pertinemment que j'avais l'énergie et le temps pour m'acquitter de ces deux fonctions, en même temps, tout en assurant, dans les deux cas, une bonne qualité de travail», a-t-il dit.

Quant à la durée de prise en charge de 12 mois prévue dans les règles administratives, qui pourraient être revues par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, M. Bolduc a jugé qu'elle a permis l'inscription de 750 000 patients sur les listes de médecins de famille.

«Elle n'était pas si mal conçue que ça, a-t-il dit. Pourquoi? Parce que, si les docteurs voyaient ça trop loin, ils n'auraient pas pris les patients. C'est pour ça que l'entente a été signée. Puis, pourquoi l'entente a été signée pour un an? Quand tu t'occupes d'un patient pendant un an, ça veut dire que tu l'as bien pris en charge.»

M. Bolduc s'est néanmoins excusé auprès des patients qu'il a abandonnés après avoir été nommé au conseil des ministres par Philippe Couillard, en avril dernier.

«Il y en a peut-être quelques-uns qui ont des insatisfactions, pas parce que je m'en suis occupé: parce que j'ai dû quitter la pratique, a-t-il dit. Pour ça, je m'excuse au niveau des patients. Moi, je suis triste, moi aussi, d'avoir quitté la pratique. Mais ma job de ministre ne me permet pas de faire de pratique.»

M. Bolduc a plaidé qu'il n'avait pas prévu que le gouvernement minoritaire des péquistes forcerait aussi rapidement une élection, qui a permis à M. Couillard d'être élu premier ministre.

«L'avoir su, peut-être que je n'aurais pas pris les mêmes décisions», a-t-il dit

Un député de la Coalition avenir Québec (CAQ), Éric Caire, s'est moqué des arguments avancés par son adversaire libéral, qu'il soupçonne d'avoir négligé ses fonctions de députés pour augmenter son revenu.

«Yves Bolduc est le seul au Québec qui ne sait pas qu'un gouvernement minoritaire ça «toffe» en moyenne 18 à 24 mois, a-t-il dit lors d'un point de presse. Il a dit: «si j'avais su, j'aurais été plus prudent'. Je pense qu'il est un peu trop tard pour parler de prudence, et donc il faut croire que les motivations d'Yves Bolduc étaient autres. Il a choisi le travail le plus payant à celui pour lequel il avait été élu.»

Selon M. Caire, M. Bolduc ne se distingue pas des autres députés en travaillant les fins de semaine, puisque les élus sont souvent sollicités pour rencontrer la population lors d'événements.

«Sur le fait qu'il est travaillant, je vais vous dire, on l'est tous, travaillants, a-t-il dit. Je ne pense pas qu'Yves Bolduc soit un surhomme. Ce n'est pas le Popeye de la politique, que je sache. Alors, du travail les fins de semaine, j'en fais.»

Par ailleurs, la RAMQ a accepté mardi une demande formulée la veille par M. Bolduc afin que l'organisme traite son dossier de recouvrement de manière prioritaire, ce que le principal intéressé a jugé nécessaire.

«Le traitement exceptionnel, là, ce n'est pas un privilège, a-t-il dit. Je demande juste à ce qu'on étudie maintenant ce qu'ils vont étudier dans six mois. (...) J'aimerais ça, moi, qu'on le dise maintenant à la population: "Oui, il y a eu un ajustement. Par contre, la majorité des patients qu'il a inscrits, il les a suivis pendant au moins un an".»