Dans le lobby de l'hôtel Best Western de Drummondville, un petit groupe de militants épiloguait sur les causes de la défaite du 7 avril. «Ils ont fait campagne au moment où les gens faisaient leur rapport d'impôt. T'as pas le goût de voter pour un gouvernement qui te ramasse 200$ sur une ligne, pour la taxe santé!» a lancé l'un deux. Les autres ont opiné du bonnet.

Samedi, on trouvait autant de raisons que de militants péquistes pour expliquer les résultats du scrutin. Après ce deuxième bilan, bien des ténors du Parti québécois en étaient réduits aux mantras habituels: il faut faire la pédagogie de la souveraineté, tendre la main aux jeunes, montrer les avantages d'un Québec souverain, mieux articuler le «bon gouvernement» au projet souverainiste; le PQ doit entreprendre une «conversation» avec la population du Québec. Certains innovaient d'un pas mal assuré; la souveraineté n'est pas la liberté des États, mais des individus.

Comme souvent, on en était déjà aux solutions, avant même d'avoir déterminé la source du problème. Le gourou des sondages pour le PQ, Pierre-Alain Cotnoir, a sans trop le dire mis le doigt sur l'une des causes: Pauline Marois n'a fait que de la figuration lors des débats télévisés; François Legault, lui, a paru convaincu et convaincant, et a raflé dans la dernière ligne droite près de 12% de ces électeurs «centristes, peu politisés» qui auraient pu faire la différence.

Entrée en scène de PKP

Toujours à huis clos, M. Cotnoir a aussi indiqué que la cote du PQ s'était mise à descendre avec régularité dès l'entrée en scène de Pierre Karl Péladeau. Cette capture inespérée aura rendu plus tangible la possibilité d'un référendum, expliquait hier M. Cotnoir, joint par La Presse. Conséquence, pour la première fois de l'histoire, le taux de participation des néo-Québécois a dépassé celui du reste de la population.

Pour avoir un tableau complet, il aurait fallu faire venir sur la scène un de ces stratèges en communication qui, derrière le miroir sans tain, voyait les groupes de discussion marteler à chaque occasion qu'à tort ou à raison, l'électorat percevait Pauline Marois comme un gros handicap. Et qu'il faudrait par conséquent éviter de la mettre trop en évidence dans la publicité.

Finalement, sans oublier la contribution importante et impeccable de Mme Marois à la vie publique, se pourrait-il que le PQ ait subi la pire défaite de son histoire parce que sa chef n'était pas une habile politicienne? Bien des péquistes pensent désormais que la courte victoire de 2012 contre un gouvernement Charest usé était un signe avant-coureur du peu d'enthousiasme autour de Mme Marois.

Et il y a les députés qui ont raté leur putsch un an plus tôt; où serait le PQ si Gilles Duceppe n'avait pas déclaré forfait? Devant ces hypothèses, Pierre-Alain Cotnoir s'inscrit en faux; Pauline Marois était plus populaire que son parti, elle avait la faveur des femmes et était un actif pour son parti, devenue la «dame de béton» au lendemain de la tragédie de Lac-Mégantic.

«Fausses bonnes idées»

Comme toujours quand il ne trouve pas de réponse, le PQ se rabat sur des stratégies, séduisantes en apparence, ces «fausses bonnes idées» souvent promises à la casse.

Dernière trouvaille, ces «primaires ouvertes» qui permettraient à l'ensemble de la population de participer au choix du prochain chef. La solution a été utilisée en France, au Parti socialiste qui a choisi François Hollande. Jean-François Lisée n'est jamais plus heureux que quand il explique la logique de ces mécanismes. Après avoir tenté de «dépéquiciser» la souveraineté, en interpelant la société civile, en 1995, notre horloger, le mécanicien de la volonté populaire propose désormais de «dépéquiciser» le chef du PQ. Le PS français est un club privé, son adhésion est hors de portée pour bien des salariés. Une carte de membre du PQ coûte 5$, à peine plus que ce que l'on envisage de demander pour voter pour le prochain chef.

Le PQ avait apporté une contribution importante en 1985, et est devenu le premier parti au Québec à choisir son chef au suffrage universel des membres. L'an dernier, les libéraux étaient encore coincés avec leur formule archaïque, vulnérable aux arnaques: des assemblées de choix de délégués.

Mais ces «primaires ouvertes» seront probablement repoussées par les membres en septembre prochain. On les rangera au cimetière des «patentes» déjà bien encombré au PQ, avec les référendums d'initiative populaire et les élections assorties d'une question référendaire pour rapatrier des pouvoirs, une idée qui avait circulé sous Bernard Landry. C'était avant la «saison des idées» envoyées au pilon elles aussi.

En 1987, Pierre Marc Johnson était aux abois. Le PQ venait de subir une cuisante défaite aux mains des libéraux de Robert Bourassa. Sa proposition «d'affirmation nationale» était reçue avec circonspection chez les militants péquistes.

Le PQ devait retourner aux sources, renouer avec l'électorat qui l'avait boudé. Un stratège pensa avoir un trait de génie: durant l'été, tous les députés furent conscrits dans un autobus qui ferait le tour du Québec.

C'était l'«Opération grandes oreilles». Toujours narquois, Robert Bourassa ne rata pas cette offrande inespérée: «M. Johnson devrait savoir que ce n'est pas la grandeur des oreilles qui importe, c'est ce qu'il y a entre les deux!»