C'est un budget difficile qu'a bouclé le gouvernement Couillard au cours des dernières heures. L'engagement du chef libéral d'augmenter chaque année de 1,5 milliard les dépenses d'immobilisations - de 9 milliards en moyenne cette année - devra attendre.

Selon les informations colligées par La Presse, cette promesse, qui ferait grimper le service de la dette, a été mise de côté après d'intenses pressions du ministère des Finances pour freiner les ardeurs du nouveau premier ministre.

Aux Finances, on est plus sensible aux arguments des agences d'évaluation de crédit, qui ne cachent pas, depuis des années, leur inquiétude de voir la dette du Québec augmenter régulièrement - elle était de 198,4 milliards au 31 mars. Le gouvernement Couillard s'était engagé à accroître les immobilisations tout en respectant le plan de match visant à ramener le ratio dette-PIB à 45% en 2025. Pour la première fois, le PQI, le Plan québécois des infrastructures, doit être publié en même temps que les crédits budgétaires du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux.

De nombreux projets immobiliers, sans être annulés, nécessiteront une année de plus en préparation - par exemple, l'hôpital promis à Vaudreuil, et la saga de la nouvelle prison d'Amos sera prolongée.

Durant la campagne, Philippe Couillard s'est engagé à hausser les immobilisations de 1,5 milliard par année sur 10 ans pour fouetter la croissance économique. Les mesures de croissance économique du budget de mercredi seront bien plus modestes; on reprendra le Plan Nord où l'avait laissé le gouvernement Charest à l'automne 2012, en créant la Société du Plan Nord alors prévue.

Depuis la reprise des travaux à l'Assemblée nationale, jour après jour, le chef de l'opposition péquiste Stéphane Bédard revient avec la même question exhortant le nouveau gouvernement libéral à renoncer à cette augmentation des dépenses d'immobilisations.

Le déficit de 2013-2014 devait être de 2,5 milliards; il sera plutôt de 3,1 milliards, a déjà confirmé Québec. Le déficit de cette année, qui devait s'élever à 1,75 milliard selon le budget de Nicolas Marceau en février, dépassera les 2 milliards, probablement autour de 2,2 milliards.

Tabac

Même s'il s'est engagé à ne pas hausser les taxes et les tarifs en campagne électorale, le gouvernement se sent en terrain solide pour augmenter les droits sur le tabac. Le budget de novembre 2012 de Nicolas Marceau avait fait augmenter de 50 cents le paquet de 20 cigarettes - c'était 130 millions de plus dans les coffres de Québec. Le ministère des Finances estime qu'il a encore une marge de manoeuvre compte tenu du niveau de taxes en Ontario, mais il serait audacieux d'y aller d'une autre hausse de 50 cents le paquet. L'acceptabilité sociale d'une telle décision est tenue pour acquise à Québec, en dépit d'une récente campagne qui relève la propagation de la contrebande de cigarettes. Le gouvernement Couillard préférera parler d'une «harmonisation avec Ottawa», qui a augmenté la taxe en février dernier, plutôt que d'une hausse.

D'autres hausses de taxes depuis longtemps dans les cartons au gouvernement n'ont pas connu le même sort. Les Finances ont repoussé, par exemple, la proposition récurrente de la Santé pour une taxe de 20 cents sur les boissons gazeuses.

Médecins: 400 millions

Les négociations progressaient encore lentement hier entre Québec et les fédérations de médecins sur le report de la rémunération. Une entente avant l'impression du budget et des crédits budgétaires devient peu probable, toutefois.

Ainsi, le gouvernement inscrira le résultat attendu de cette négociation dans les documents en se faisant fort d'y arriver en bout de course. Pour 2014-2015, on tablera sur une économie temporaire de 400 millions; ce sera un peu moins l'année suivante, des décaissements qui devront être faits à compter de 2017, dernière année de l'entente convenue entre le gouvernement Charest et les médecins.

Ce report pour les médecins représente près de la moitié des compressions de 900 millions qui doivent être faites dans le mégabudget de la Santé, qui croîtra tout de même en chiffres absolus. Mais mercredi, le ministre Coiteux, ou même le titulaire de la Santé, Gaétan Barrette, ne préciseront pas où le couperet tombera pour atteindre ces objectifs. Québec a déjà indiqué qu'il visait des compressions dans l'administration, en promettant de conserver intacts les services aux citoyens.