Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a provoqué une levée de boucliers du côté des syndicats, hier. En entrevue avec La Presse, il a indiqué qu'il envisageait d'assujettir les prochaines hausses salariales des employés de l'État à une augmentation de leur productivité. Les syndiqués, dont les conventions collectives arriveront à échéance le 31 mars prochain, l'attendent de pied ferme.

Les cadres dans le collimateur

La CSN estime que, si Québec veut augmenter la productivité de l'État, il devrait abolir des postes de cadre, dont le nombre dans le réseau de la santé a augmenté de près de 25% depuis 2004, presque deux fois plus que les corps d'emploi syndiqués.

Certains membres du personnel soignant passent près de 30% de leur temps de travail à fournir aux cadres «statistiques et justifications de leurs actes». S'ils étaient plus autonomes, moins «contrôlés», ils pourraient donner plus de services aux patients, a affirmé la vice-présidente de la CSN, Francine Lévesque. «On a augmenté le nombre de cadres pour suppléer au fait qu'on a grossi les organisations [les CSSS]. Du côté des services, on nous a demandé de faire plus avec moins. Ça ne peut pas continuer comme ça.»

Elle se défend de succomber au réflexe «pas dans ma cour». «Je suis prête à regarder comment travailler autrement», a-t-elle dit. Mais elle ne trouve pas légitime d'assujettir les hausses salariales à des gains de productivité. «La productivité, on va s'en parler dans un autre contexte, dans un autre cadre. On va mettre l'organisation des services sur la table. Et la productivité, ça ne peut pas reposer seulement sur les salariés.»

Coiteux «entretient les préjugés»

Le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) met au défi le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, de trouver un seul de ses membres qui «se pogne le beigne».

«Il n'y en a pas! Dites-moi où se trouve ce monde-là», a lancé sa présidente, Lucie Martineau.

Elle reproche à M. Coiteux d'entretenir les préjugés. Il tient «un discours pris dans des livres de gestion», loin de la réalité, selon elle. «Ce qui me heurte vraiment beaucoup, c'est qu'on laisse croire que les fonctionnaires sont improductifs. Je l'invite, on va y aller, voir ceux qui ne sont pas productifs. Je suis prête n'importe quand.»

Selon elle, la fonction publique est surchargée de travail à plusieurs endroits. À la Régie du logement, par exemple, «ils ne sont pas capables de rendre des décisions avant 17 mois à certains endroits. On a le temps de déménager avant d'être entendu!»

Le taux d'épuisement professionnel est en hausse un peu partout, a-t-elle ajouté. «C'est ce qui arrive à force de couper un poste sur deux [départs à la retraite] et de donner l'ouvrage aux autres. Est-ce que c'est ça qu'on veut?»

Pour améliorer la productivité, il faut regarder du côté des «structures de gestionnaires». Elle dénonce le «gaspillage de fonds publics» dans les contrats informatiques. Elle recommande à Québec de centraliser l'achat de médicaments en créant une société publique, Pharma-Québec, comme le propose Québec solidaire. «On pourrait économiser 1 milliard, avec ça», a-t-elle dit.

«On ne peut pas nous demander plus»

Les infirmières sont déjà surchargées depuis des années. «On ne peut pas nous demander plus», soutient la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, Régine Laurent.

«On est déjà à la limite de notre capacité. Il faut toujours penser que la limite de nos capacités, c'est la dispensation de soins sécuritaires», a-t-elle insisté.

Au sujet de l'augmentation de productivité, «je ne sais pas qui visait particulièrement M. Coiteux, a-t-elle ajouté, mais ça ne doit pas être le réseau de la santé!»

Quoi qu'il en soit, l'une des priorités de la FIQ pour les prochaines négociations, «diminuer la charge de travail» de ses 64 000 membres, entre en contradiction avec le discours de Martin Coiteux.

Les patients demeurent moins longtemps qu'avant à l'hôpital, a expliqué Mme Laurent. Mais durant leur hospitalisation, «ils restent toujours en phase aiguë» pour ce qui est des besoins de soins. Les infirmières doivent donc faire un «suivi accru» de tous les patients, ce qui n'était pas le cas auparavant. «On ne peut pas avoir le même nombre de professionnels en soins, et encore moins faire des coupes, car la demande de soins des patients est plus grande», a-t-elle dit. Elle a évoqué l'idée de diminuer le ratio de patients pour chaque infirmière et a souligné que 60% des postes sont à temps partiel, ce qui nuit à la stabilité des équipes de travail et à la continuité des soins.