Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, envoie un premier signal aux employés de l'État en prévision de la ronde de négociations. Les prochaines hausses salariales seront liées en partie à une augmentation de la productivité, selon une option qu'il étudie. Et plus la révision des programmes gouvernementaux entraînera des économies, plus le gouvernement pourra se permettre d'augmenter les salaires, prévient-il.

En entrevue à La Presse hier, l'ex-économiste de la Banque du Canada a donné un aperçu des «principes généraux» qui le guideront pour le renouvellement des conventions collectives des 430 000 employés de l'État. Elles seront échues le 31 mars prochain, en pleine opération de retour à l'équilibre budgétaire à Québec. L'enjeu est majeur: la masse salariale représente près de 60% des dépenses de programmes du gouvernement québécois.

Selon Martin Coiteux, «on ne peut concevoir» les prochaines négociations «sans prendre en considération» non seulement «la capacité de payer» des contribuables, mais également la productivité du secteur public de même que la nécessité de réviser les programmes gouvernementaux.

«C'est sûr qui si on a du succès dans l'ensemble des opérations qu'on met en branle, et on a l'intention d'avoir du succès pour la révision des programmes et la révision de la fiscalité, si on a une négociation avec les employés du secteur public qui nous assure de livrer la marchandise au cours des prochaines années, c'est sûr que ça va nous donner une meilleure marge de manoeuvre» pour augmenter les salaires, a-t-il plaidé.

«Livrer la marchandise», c'est selon lui avoir des secteurs public et parapublic plus productifs. Une «approche» à l'étude prévoit que les hausses de salaire soient liées à une augmentation de la productivité. Certes, «le secteur public n'est pas le secteur privé», a dit M. Coiteux. Mais dans le privé, a-t-il ajouté, «en général, on peut augmenter la rémunération là où il y a des gains de productivité. On peut augmenter la rémunération là où on gagne des choses, là où on a du succès».

«Ultimement, ce qu'on veut, c'est avoir des gains d'efficience, des gains de productivité, livrer plus et mieux», a-t-il indiqué.

Plusieurs options

Alors que le gouvernement Charest avait lié en partie les hausses de salaire à la croissance économique, M. Coiteux a précisé que «ce n'est pas la seule approche possible». Il étudie «plusieurs options». «On va faire preuve de beaucoup de créativité», a-t-il dit.

Le ministre a souligné que toute la révision des programmes gouvernementaux est menée «pour le bien de tout le monde, y compris les employés du secteur public qui ne demandent pas mieux qu'être partie prenante à quelque chose qui va emballer les Québécois». L'objectif du gouvernement est «d'avoir un panier de services compatibles avec la capacité de payer des Québécois» et éviter la répétition annuelle de compressions «sans vision d'ensemble».

Pour cette année, la dernière des présents contrats de travail, les employés de l'État touchent une augmentation salariale de 2%. Ils obtiendront également, le 30 mars prochain, une hausse de 1% - 375 millions - parce que la variation de l'indice des prix à la consommation (IPC) a été plus élevée que leurs augmentations de salaire depuis 2010. Québec ne remettra pas en question ces augmentations salariales, a assuré Martin Coiteux.

Pour les prochaines conventions collectives, le front commun syndical veut combler l'écart de 8,3% qui, selon l'Institut de la statistique du Québec, sépare la rémunération globale (salaires et avantages sociaux) des employés de l'État et celle des autres salariés québécois des entreprises de plus de 200 employés, du fédéral et des municipalités. Il présentera ses demandes précises avant le dépôt du budget Leitao, prévu au début du mois de juin.

Martin Coiteux n'a pas voulu commenter directement le rattrapage salarial que réclame le front commun syndical. Mais il a lancé un avertissement: «Fondamentalement, on ne peut pas payer davantage que ce qui est la capacité de payer [des contribuables]. Si on était extrêmement riche, avec des surplus budgétaires et une croissance économique très forte, on n'aborderait certainement pas les choses de la même façon. On est dans un contexte difficile où on doit gérer l'argent des Québécois de façon extrêmement rigoureuse. Et donc il y aura des choses forcément plus difficiles à faire que d'autres.»

Une croissance difficile à soutenir

Selon lui, le gouvernement québécois n'a pas les moyens de soutenir une croissance de sa masse salariale jusqu'à 5,1% comme on l'a vu l'an dernier - 3,6% par année en moyenne depuis 2010. «On ne peut certainement pas vivre avec un rythme de croissance qui nous amène au-delà de l'augmentation des recettes fiscales de l'État sans augmentation des taxes et des impôts», a-t-il affirmé. Il n'a pas évoqué de gel de la masse salariale, une recommandation du rapport Godbout-Montmarquette.

Il est hors de question pour le gouvernement d'avoir «une augmentation de la rémunération globale, en tenant compte de l'ensemble des paramètres, qui nous amènerait à augmenter les impôts». «On a déjà joué dans ce film-là, et on n'a pas l'intention d'y retourner!», a lancé Martin Coiteux.