Dépenses en infrastructures et crédit d'impôt à la rénovation pour relancer l'emploi. Loi sur les soins de fin de vie, la laïcité et les régimes de retraite. Et examen par le vérificateur général du trou qui aurait été laissé dans les finances publiques. Voilà les premiers gestes que posera Philippe Couillard.

«J'étais surpris à quel point je me sentais calme ce matin», a raconté le premier ministre élu en conférence de presse à l'Assemblée nationale, seul avec les journalistes.  

Sans vouloir «faire de philosophie à deux cennes», il dit «pardonner à ceux qui pendant la campagne ont eu des mots durs pour moi». Après avoir constaté une certaine «déshumanisation» de la politique, M. Couillard dit vouloir apporter un nouveau ton à l'Assemblée nationale.

Son mandat majoritaire «ne signifie pas que nous nous comporterons de façon arrogante», a-t-il promis. Il s'engage à collaborer avec l'opposition.

Préparer la transition

Le travail est déjà commencé. L'ex premier ministre libéral Daniel Johnson pilote son comité de transition. Le nouveau secrétaire général du gouvernement lsera Roberto Iglesias, ex-sous ministre à la Santé de M. Couillard. Le duo rencontrera cet après-midi Jean St-Gelais, secrétaire général du gouvernement Marois.

Les chefs de cabinet de M. Couillard et Mme Marois se rencontreront aussi bientôt. Le conseil des ministres sera formé dans une «quinzaine de jours», a dit M. Couillard. Évitera-t-il d'y nommer d'ex-ministres du gouvernement Charest dont le nom pourrait être mentionné à la commission Charbonneau, ou qui pourraient être rencontrés par l'UPAC ? Si un libéral «témoigne sur le processus d'attribution de contrat» ou est «mentionné par un tiers», c'est un «niveau très différent d'allégation», a répondu M. Couillard, en demandant de «garder les choses en perspectives». 

Évaluer la profondeur du trou

Dès que le gouvernement Couillard sera en place, il mandatera le vérificateur général pour donner «dès que possible» un portrait indépendant des finances publiques. C'est ce qu'avait fait le gouvernement Charest à son arrivée en 2003.

L'automne dernier, le vérificateur général notait que 2,6 milliards de compressions à faire n'ont pas été identifiées. Et cet hiver, dans l'agitation préélectorale, le gouvernement Marois avait multiplié les promesses, qui totalisaient deux milliards en prêts, garanties de prêts et subvention.

Le budget péquiste sera jeté aux poubelles. Mais M. Couillard veut vérifier lesquelles de ces dépenses seront liantes pour son gouvernement. «On sait déjà qu'il y a un trou, je veux vérifier quelle est sa profondeur», a-t-il expliqué en anglais.

«Non pas que je soupçonne que des vastes montants aient nécessairement été - je ne dirais pas cachés - mais non montrés à la population».

Relancer l'emploi

Tel que promis, avant même que l'Assemblée nationale ne siège, le premier ministre libéral adoptera deux mesures économiques. Il élargira et prolongera le crédit d'impôt de 20% pour les travaux de rénovation domiciliaire. Et il rétablira les investissements dans les infrastructures au niveau prévu par le gouvernement Charest. Il s'agira d'une hausse de 1,5 milliard de dollars par année, durant 10 ans. «L'OCDE a prouvé que c'était une façon efficace de relancer l'emploi à court terme», a-t-il soutenu. 

L'Assemblée nationale siègera d'ici juin. Il déposera un budget avec les crédits qui détaillent les dépenses. «On va faire ça avant de partir cet été». Les vacances commenceront tard cet été.  

Aide médicale à mourir et laïcité

M. Couillard déposera le projet de loi sur les soins en fin de vie, qui prévoit l'aide médicale à mourir. «On ne veut pas prolonger le processus», assure-t-il. On présentera le projet de loi qui était prêt à être adopté par le gouvernement péquiste cet hiver. Les libéraux profiteront du vote libre.

Il y aura aussi une loi sur la laïcité, avec un volet pour lutter contre l'intégrisme. Il reprendra le consensus pour baliser les accommodements raisonnables, affirmer la neutralité de l'État et l'égalité homme -femme, interdire le port du voile intégral (burqa, niqab et tchador) dans les services publics et donner des directives sur le port de signes religieux ostentatoires pour laisser les directions des policiers, procureurs de la Couronne et gardiens trancher au cas par cas. «Il est important pour moi de traiter cette question tôt dans notre gouvernement», a expliqué M. Couillard. Il veut régler rapidement ce débat polarisant.  

La transparence pour rétablir la confiance

Selon M. Couillard, «une des antidotes à la perte de confiance» est la transparence. Il promet une «divulgation proactive de renseignements de toutes sortes». Les contrats en infrastructures seront disponibles sur internet. On pourra y voir entre autres les coûts, échéances et facturations d'extras. Les dépenses en formation, par exemple comme certains controversés voyages dans le Sud de commissions scolaires, seront aussi rendus publics sur internet.

Le gouvernement péquiste promettait de réviser la Loi sur l'accès à l'information. M. Couillard promet de poursuivre ces travaux. Mais en campagne électorale, il disait chercher un «équilibre». «Un document qui est là pour préparer une prise de décision ou une politique n'est pas accessible, et il faut que ça reste comme ça.»

Rendez-vous avec la SQ

Comme à chaque changement de gouvernement, un jeu de chaises musicales pourrait se faire à la tête des sociétés d'État et organismes publics. À commencer par la Sûreté du Québec. «C'est un poste qui va être réévalué, c'est clair», a dit M. Couillard. Le secrétaire général du gouvernement Couillard rencontrera le patron de la SQ, Mario Laprise.  «Je veux m'assurer que toutes les nominations soient optimales», a-t-il dit. Il n'a pas voulu dire en quoi cette nomination du gouvernement Marois poserait problème. «Je ne veux rien faire ou dire qui minerait le lien de confiance essentiel entre la population et les forces policières», a-t-il justifié.

«D'autres postes seront réexaminés, a-t-il avoué. Il insiste sur le fait que l'affiliation politique, qu'elle soit libérale ou péquiste, n'est «pas mauvaise en soi». Ce qui prime, c'est la «compétence». Et aussi le fait de partager la vision du gouvernement.  

M. Couillard voudrait changer le mode de nomination du patron de la Sûreté du Québec. Il propose «un processus un peu voisin de celui des juges, où un comité de sélection indépendant évalue les candidatures, rencontre les personnes, établit une très courte liste des personnes aptes à occuper la fonction». Le gouvernement trancherait ensuite.