(Analyse) Le PQ, lui, n'aurait pas raté l'occasion. Il y a quelques jours, lors de la conférence de presse pour annoncer l'investissement de 350 millions du gouvernement du Québec dans la super cimenterie de Port-Daniel, Pauline Marois a dégagé des relents d'une autre époque.

«Le comté de Bonaventure a fait un très bon choix aux dernières élections et vous avez les résultats, aujourd'hui, de ce choix», a-t-elle laissé tomber, faisant allusion à l'élection du péquiste Sylvain Roy en 2012. Le Québec croyait s'être débarrassé des décennies de ce passage obligé, «voter du bon bord», pour jouir des largesses du gouvernement.

Trois jours plus tard, un point de presse minimaliste de Jean-Marc Fournier a souligné que Mme Marois nous ramenait «à l'époque de la Grande Noirceur de Maurice Duplessis». Depuis, silence radio sur une bévue qui, il y a quelques années, aurait hanté Mme Marois pendant des jours.

Dans la guérilla quotidienne, la vigilance du Parti québécois (PQ) est inégalée. Un reportage lie Philippe Couillard au Dr Porter, Fatima Houda-Pepin égratigne son chef. Du côté du gouvernement, on laisse rarement filer le ballon. Un Stéphane Bédard, guerrier émérite, y va d'un point de presse incisif et convaincant. Et quand il n'a pas de faits à se mettre sous la dent, il soulève des questions. Depuis longtemps, le PQ a démontré qu'il avait davantage de réflexes pour l'attaque.

Au référendum de 1995, Claude Garcia venait à peine de lancer sa menace «d'écraser» les souverainistes que dans le camp Parizeau, on avait récupéré la bourde dans des pages de publicité publiées dès le lendemain. En 1998, Jean Charest fit une bévue en prédisant «la fin de la Révolution tranquille». Lucien Bouchard l'accusa à brûle-pourpoint de vouloir sacrifier le modèle québécois, d'adhérer au courant conservateur de l'Ontarien Mike Harris. Le chef libéral perdit une semaine à se défendre.

Occasion récente manquée

La semaine dernière, le ministre de l'Environnement Yves-François Blanchet a laissé entendre que le prochain mandat péquiste permettrait d'enclencher le processus référendaire. «Il n'y a jamais eu de cycle péquiste sans consultation sur la souveraineté», a-t-il déclaré dans un événement partisan organisé à Montréal, relayant lui-même ses propos sur Twitter. Là encore, pas de réplique organisée du côté libéral. Philippe Couillard avait pourtant soulevé la question nationale à la période des questions, mais faute d'ancrage dans l'actualité, sa sortie avait paru improvisée, destinée avant tout à rassurer les militants libéraux.

Dans la bagarre quotidienne, la détermination est une chose, la rapidité en est une autre. Philippe Couillard paraît manquer des deux.

Bien des libéraux se demandent pourquoi il n'a pas crevé l'abcès avec Fatima Houda-Pepin dès qu'elle l'a contesté, en décembre dernier. Même indolence à l'endroit d'Henri‑François Gautrin. Son cas aurait dû être réglé avant que cela ne dégénère, qu'il ne commette sa bourde au premier jour de Philippe Couillard comme chef de l'opposition à l'Assemblée nationale.

Un seul débat

Vendredi après-midi, la première ministre a annoncé qu'elle refusait de se prêter à de nombreux débats télévisés, une opération qui prend trop de temps, selon le PQ. Un seul suffira, celui organisé par le consortium des diffuseurs. Finis les face-à-face proposés par TVA: le réseau restera muet - il craignait de toute façon que ces débats ne viennent perturber sa période de BBM. C'était autre chose au mois d'août 2012. Après neuf ans au pouvoir, mis souvent sur la sellette, Jean Charest avait, lui, saisi chacune des occasions de s'adresser à l'ensemble de la population.

On aura compris que la première ministre, qui n'accepte plus les questions des journalistes en dehors du sujet de la conférence de presse, estimait avoir beaucoup à perdre de ces combats singuliers avec ses adversaires. On se serait attendu à ce que le chef libéral pousse les hauts cris. Il a répliqué du bout des lèvres. Peut-être était-il aussi soulagé qu'elle d'éviter ces engagements souvent périlleux.