Aux prises avec une lourde dette et un choc démographique imminent, le Québec n'a pas les moyens de se priver de son pétrole, soutient un groupe d'anciens péquistes, libéraux et de décideurs économiques dans un nouveau manifeste obtenu par La Presse.

«Fermer la porte à l'exploitation du pétrole québécois serait irresponsable. Permettre une exploitation qui ne se ferait pas selon de hauts standards de protection de l'environnement le serait tout autant», lit-on dans la missive signée notamment par l'ancien premier ministre péquiste Bernard Landry, qui avait mis sur pied la division Pétrole et Gaz d'Hydro-Québec en 2002. Parmi les autres signataires: Joseph Facal (ex-président péquiste du Conseil du Trésor), Monique Jérôme-Forget (ex-ministre libérale des Finances), Éric Forest (président de l'Union des municipalités), Simon Prévost (président de Manufacturiers et exportateurs du Québec), Françoise Bertrand (PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec) et Yves-Thomas Dorval (président du Conseil du patronat du Québec).

Le gouvernement péquiste est déjà favorable à l'exploitation pétrolière, tout comme les libéraux et les caquistes. Les signataires s'adressent donc davantage aux citoyens inquiets des risques de catastrophe environnementale ou d'une hausse des émissions de gaz à effet de serre.

La menace des changements climatiques est réelle et préoccupante, reconnaît le manifeste. Mais le Québec consommera encore du pétrole à court et moyen terme - «pour encore plusieurs décennies», avancent-ils. Tout le pétrole consommé actuellement est importé. Cela cause un déficit commercial annuel de 11 milliards.

En exploitant le pétrole terrestre (parfois de schiste) à Anticosti et en Gaspésie, ainsi que la structure Old Harry au large des Îles-de-la-Madeleine (protégée par un moratoire), Québec diminuera son déficit commercial, soutiennent-ils. À cela s'ajoutent les «entrées fiscales importantes» grâce à l'impôt sur les salaires et les taxes à la consommation des employés.

Le collectif souhaite, comme l'a souvent répété la première ministre Pauline Marois, que le Québec s'inspire de la Norvège. Le pays scandinave produit 3 millions de barils de pétrole par jour et finance ainsi un fonds des générations, tout en maintenant son industrie des pêches.

Beaucoup de retraités

Le manifeste brosse un portrait sombre des finances publiques. En mars 2012, la dette nette du Québec représentait presque 50% du produit intérieur brut (PIB). La moyenne canadienne est

de 28%.

Le Québec subira de plus un choc démographique plus important que les autres provinces canadiennes. Le ratio actuel de travailleurs par retraité est de 5 pour 1. Dans moins de 20 ans, il pourrait diminuer jusqu'à seulement

2 pour 1, prévient le manifeste.

Les signataires se disent d'accord avec le projet péquiste d'électrification des transports. Ils espèrent «en venir, un jour, à développer de nouvelles alternatives de consommation d'énergie plus vertes».

«Les études environnementales ne sont pas encore terminées. Aucune pétrolière n'est rendue à l'exploitation au Québec. Le nouveau régime de redevances pétrolières n'a pas été établi non plus. Il n'est donc pas possible de faire des estimés précis des retombées fiscales espérées. Les signataires n'y voient pas une solution miracle, mais plutôt un outil parmi d'autres dont on ne peut se priver, même s'ils concèdent que le risque zéro n'existe pas.»

Le manifeste attaque sans les nommer les environnementalistes, accusant certains d'entre eux de «recourir à des stratégies de désinformation». Il n'y a toutefois pas que les environnementalistes qui s'inquiètent. Lautomne dernier, une étude environnementale stratégique commandée par le gouvernement au sujet de la structure Old Harry appuyait leurs craintes. Selon l'étude technique de 802 pages, nous manquons encore de connaissances quant aux impacts sur la faune et la flore marines, et les stratégies d'intervention en cas de catastrophe restent «déficientes».