Il y aura «beaucoup plus de dignité dans le costume, dans les interventions et dans les râlements », prédisait Maurice Bellemare de l'Union nationale. Mais le truculent créditiste Camil Samson s'inquiétait que ces «périodes un peu plus tranquilles» ne «dévaluent la cote d'écoute».

C'était le 3 octobre 1978, toute première journée de la télédiffusion des débats à l'Assemblée nationale. Pour les caméras, on avait peint en bleu le lieu que l'ancien premier ministre Maurice Duplessis appelait le «Salon de la race». Au début, on retransmettait essentiellement les échanges en chambre. À la fin des années 90, on a commencé à montrer davantage les débats en commission parlementaire et les conférences de presse. Ils sont désormais tous accessibles en direct sur l'internet pour que les citoyens puissent surveiller les élus, et constater que le travail parlementaire ne se limite pas au lançage de boue de la période de questions. Voici six moments marquants.

***

LENDEMAIN DE TRAGÉDIE

Le 8 mai 1984, le caporal Denis Lortie pénètre avec sa mitraillette à l'Assemblée nationale, tue 3 personnes, en blesse 13 autres puis s'assoit sur le fauteuil du président au Salon bleu. Faisant preuve d'un sang-froid remarquable, le sergent d'armes René Jalbert convaincra le militaire dérangé de se rendre. Heureusement, l'Assemblée nationale ne siégeait pas à ce moment-là. Les députés n'étaient donc pas présents. Sinon, le bilan des morts aurait pu être encore pire. Au lendemain de la tuerie, le président de l'Assemblée nationale, Richard Guay, a réagi au drame.

LOI 101 : CRISE CHEZ LES LIBÉRAUX

Une crise secoue le gouvernement libéral de Robert Bourassa. La Cour suprême vient de déclarer inconstitutionnelle l'interdiction de l'affichage en anglais dans les commerces. M. Bourassa dépose un projet de loi d'urgence pour recourir à la clause dérogatoire. Il voudrait interdire l'affichage anglais à l'extérieur, mais le permettre à l'intérieur, à condition que le français soit prédominant. Le 21 décembre 1988, trois de ses quatre ministres anglophones démissionnent (Clifford Lincoln, Richard French et Herbert Marx). « Rights are rights are rights », s'explique M. Lincoln au Salon bleu.

JOUR 1 DE LA TÉLÉDIFFUSION

La toute première fois que les caméras ont montré le président de l'Assemblée nationale, il demandait une minute de silence pour la mort des papes Paul VI et Jean-Paul Ier qui « affecte l'humanité tout entière». La télédiffusion des débats était une demande des péquistes dans l'opposition. Les libéraux, qui y voyaient un «délicat problème», s'y sont ralliés. Les caméras des médias étaient et demeurent interdites dans le Salon bleu. Seules les caméras officielles de l'Assemblée y sont permises, et elles ne filment que la personne qui parle. On ne voit pas les autres qui parfois s'enguirlandent. Ce qui n'était pas rare autrefois, alors que le ton était plus acrimonieux.

LÉVESQUE PRÉSENTE SA QUESTION

Comme promis en campagne électorale, René Lévesque déclenche un référendum avant la fin de son mandat. La question compte plus de 100 mots. Il demande le mandat de négocier une entente « d'égal à égal » avec le Canada. C'est la « souveraineté-association ». Cette entente serait soumise à une nouvelle consultation, promet-il On le voit ici défendre sa question, jugée alambiquée par les libéraux. Les sondages laissaient entrevoir une défaite. Le 20 mai 1980, les Québécois se prononceront à 59,56% pour le Non, contre 40,44 %.

LA MORT DE L'ACCORD DU LAC MEECH

L'accord du lac Meech est officiellement mort. Le néo-démocrate Elijah Harper bloque la ratification de l'entente au Manitoba, et le premier ministre Clyde Wells ne l'a pas soumise au vote à Terre-Neuve. Le 23 juin, Robert Bourassa prononce un discours solennel à l'Assemblée nationale. Nous sommes vendredi, à quelques heures du congé de la Fête nationale. Le chef du Parti québécois, Jacques Parizeau, traverse la chambre et serre la main de M. Bourassa, qu'il appelle « mon premier ministre ». Dans les semaines suivantes, une proportion jamais vue de deux Québécois sur trois se dira en faveur de la souveraineté.

PARIZEAU PRÉSENTE SA QUESTION

Après l'échec des accords du lac Meech et de Charlottetown, le Parti québécois reprend le pouvoir en 1994 avec 45 % des votes. Il forme un gouvernement majoritaire. Le premier ministre Jacques Parizeau ne perd pas de temps et met en marche sa stratégie référendaire. Le 7 septembre 1995, il présente sa question, trois fois moins longue que celle de 1980. Le camp du Oui perdra par moins de 55 000 votes. M. Parizeau démissionnera.