Après un automne qui a permis au Parti québécois de consolider sa remontée dans les intentions de vote, les premiers mois de l'année prochaine seront inévitablement marqués par un retour de la tension préélectorale pour le gouvernement minoritaire de Pauline Marois.

Le dernier gouvernement minoritaire à Québec, celui des libéraux de Jean Charest, a duré 20 mois, jusqu'au déclenchement d'une campagne électorale en 2008, quand le premier ministre a réclamé un mandat majoritaire pour affronter la crise financière.

Peu après le jour de l'An, le gouvernement de Mme Marois célébrera son 16e mois au pouvoir, le 4 janvier, et la présentation du prochain budget du gouvernement, possiblement au début du printemps, pourrait servir de tremplin électoral aux péquistes.

Au cours de l'automne, le PQ a réussi à remonter dans les sondages en s'appuyant sur sa gestion de crise réussie, lors de la catastrophe de Lac-Mégantic, et sa prise de contrôle du débat sur la laïcité. Ce facteur, jumelé à une multiplication des annonces d'investissements du gouvernement, a nourri les spéculations qu'une fenêtre électorale approchait pour les troupes de Mme Marois.

N'arrivant pas cependant à surpasser les libéraux, les péquistes, qui demeurent en avance dans le vote francophone, ont toutefois constaté les limites de leur progression, ce qui les a incités à écarter toute possibilité d'élection l'automne dernier.

Au terme d'une session où l'opposition a été incapable de l'entraver sérieusement, le gouvernement a complété les travaux parlementaires sur une note positive, en isolant les libéraux grâce à l'appui de la Coalition avenir Québec de François Legault (CAQ) lors du vote sur le projet de loi sur les mines.

La reprise des travaux à Québec, en commençant par la commission parlementaire sur le projet de loi du gouvernement sur la laïcité, à la mi-janvier, devrait raviver une certaine fébrilité préélectorale. L'objectif de chacun des partis sera de solidifier ses positions en vue de disposer du rapport de force pour s'imposer lors du dépôt du budget, dont le vote engage obligatoirement la confiance envers le gouvernement.

Le retour à l'avant-plan du débat sur la charte de la laïcité sera pour les péquistes une occasion de prendre le contrôle de l'ordre du jour avec ce thème qui a la particularité de susciter de fortes émotions dans la population, divisée sur les limites à tracer concernant la place des symboles religieux dans la fonction publique.

Les consultations générales dureront au moins cinq semaines, durant lesquelles les députés écouteront les groupes et individus présenter leurs arguments pour ou contre le projet de loi 60.

Le gouvernement devra cependant se défendre contre les attaques de l'opposition qui insistera sur ses faiblesses en matière d'économie, avec au premier chef la question de l'équilibre budgétaire, reporté de deux ans en novembre par le ministre des Finances, Nicolas Marceau, qui a fixé l'échéance au terme de l'année 2015-16.

À la mi-décembre, la première ministre Marois assurait déjà que ses multiples annonces d'investissements, au cours de l'automne, visaient à augmenter les revenus de l'État, qui ont empêché le gouvernement péquiste d'atteindre le «déficit zéro» à la date fixée par les libéraux.

Mais la situation des finances publiques reste précaire et il y a fort à parier que les partis de l'opposition disposeront de nouvelles munitions, après la reprise des travaux en Chambre à la mi-février, lorsque le vérificateur général Michel Samson présentera son analyse des chiffres et prévisions de la mise à jour financière de M. Marceau.

Caquistes et libéraux espèrent notamment disposer d'un portrait plus complet de l'état des finances publiques, soupçonnant M. Marceau d'avoir maquillé la réalité.

Déjà, le chef libéral Philippe Couillard a profité d'une révision négative des perspectives financières du Québec, par l'agence de notation Fitch, pour évoquer le spectre d'une décote, ce qui pourrait se traduire par une hausse des frais d'emprunt de l'État québécois. Le chef libéral réclame d'ailleurs un dépôt du budget dès février, alors que Mme Marois semble disposée à repousser cette échéance à avril.

Avec le budget, Mme Marois devra déterminer si ses adversaires sont en position de la défaire ou si l'un d'eux désignera quelques absents pour éviter de renverser le gouvernement, comme les libéraux l'ont fait lors du vote sur le premier plan budgétaire du ministre Marceau, juste après l'élection de 2012.

Tout comme les libéraux, la CAQ a déjà indiqué son intention de voter contre le prochain budget. François Legault exige notamment des compressions équivalentes au manque à gagner annoncé par le PQ, soit 1,7 milliard de dollars, ainsi que le début de l'abolition de la taxe santé.

Bien que M. Couillard n'ait pas été jusqu'à fixer des conditions, les caquistes semblent actuellement ceux qui auraient le plus à perdre lors de la prochaine élection générale. Le débat sur la charte des valeurs les a d'ailleurs affaiblis, en les faisant descendre sous la barre des 20 % d'intentions de vote cet automne, et la reprise du débat n'améliorera pas les choses.

Les libéraux ont pris plaisir à souligner leur piètre résultat dans l'élection partielle de Viau, pour expliquer leur collaboration avec le gouvernement au sujet du projet de loi sur les mines.

Le gouvernement pourrait d'ailleurs réactiver les canaux de communications établis avec la CAQ dans ce dossier en vue de préparer le prochain budget et d'influencer la détermination des caquistes à le battre.

La performance de M. Couillard, qui fera son retour à l'Assemblée nationale après son élection comme député dans la partielle d'Outremont, sera aussi déterminante au cours des prochaines semaines, dans la joute stratégique qui s'élaborera d'ici au budget.

Son arrivée contribuera à améliorer la cohésion entre le chef et son caucus, mais les péquistes et la CAQ misent sans doute sur de nouvelles bourdes de M. Couillard, dont certaines déclarations ont miné le rapport de force de ses députés, l'automne dernier. Ses tergiversations concernant le retour à l'équilibre budgétaire et le qualificatif de «libéral» qu'il a apposé à la dernière mouture du projet de la loi sur les mines ont eu pour effet d'émousser le tranchant des attaques de son caucus dans ces dossiers.

Si le fléchissement d'un des deux groupes de l'opposition reste possible, ce qui prolongerait la durée du gouvernement, la possibilité d'un scrutin printanier continuera cependant de mobiliser les stratèges de tous les partis au cours des prochaines semaines.