Fatima Houda-Pepin restera au caucus libéral. La députée a finalement fait la paix avec son chef Philippe Couillard.

Son projet de loi sur la neutralité de l'État et l'intégrisme pourra continuer de «cheminer» au sein du caucus libéral. On pourrait proposer d'encadrer le port de signes religieux ostentatoires, mais seulement chez les gardiens de prison, policiers, juges, procureurs de la Couronne. «D'aucune façon je ne vous annonce qu'on va faire une interdiction pour ces personnes», a-t-il tenu à préciser.

Et il émet une sérieuse restriction. Cette future position devra respecter la charte québécoise et canadienne des droits et libertés, a-t-il ajouté. Il n'est donc pas question de recourir à la clause dérogatoire pour limiter les libertés individuelles, comme Mme Houda-Pepin projetait de le faire.

«Cet attachement profond aux libertés et aux chartes est incontournable et non négociable», a lancé M. Couillard.

Plus tôt cet automne, M. Couillard assurait qu'on ne pouvait «pas faire de compromis» sur de telles questions, et qu'il faudrait lui «passer sur le corps» avant de limiter la liberté de religion.  

Ce travail se fera dans un comité présidé par son collègue Gilles Ouimet, ancien bâtonnier du Québec. Mme Houda-Pepin y contribuera.

M. Couillard a expliqué cette timide ouverture en disant qu'il a constaté un écart entre sa position et une partie de la population, et qu'il cherche «une voie qui rallie». Le gouvernement péquiste veut interdire le port de signes religieux ostentatoires à tous les employés de l'État. La Coalition avenir Québec veut les interdire à ceux qui incarnent l'autorité coercitive (gardiens de prison, juges, procureurs de la Couronne, policiers) et l'autorité morale (enseignants et directeur d'école primaire et secondaire).

Il n'y a aucune divergence fondamentale avec la position initiale des libéraux, assure M. Couillard. «Le seul point, c'est le réexamen des agents coercitifs», a-t-il toutefois ajouté, en rappelant que comme les autres partis, il veut baliser les accommodements, affirmer la neutralité de l'État, réaffirmer l'égalité homme-femme et exiger que les services de l'État soient donnés à visage découvert, ce qui ne cible que le voile intégral (niqab et burqa).

«M. Couillard essaie de trouver une solution juste en passant par la validation avec les chartes. Moi, ça me satisfait, a dit Mme Houda-Pepin. Je veux qu'on vérifie cet élément davantage. Pour moi, ce qui est important, c'est que le projet de loi chemine au caucus, dans le comité auquel je vais contribuer.»

Les libéraux pourraient présenter un autre projet de loi sur la protection de la jeunesse. Il modifierait les obligations envers les familles, pour prévenir entre autres les crimes d'honneur.

Mme Houda-Pepin, femme d'origine marocaine, a souvent lutté contre l'intégrisme. Elle avait mené la charge contre ceux qui voulaient implanter des tribunaux islamiques au Québec. Elle fulminait la semaine dernière en entendant son collègue Marc Tanguay dire qu'il n'y aurait pas de problème à ce qu'une candidate porte le tchador.

Elle a défié le chef Couillard en caucus la semaine dernière. Le lendemain, elle envoyait une lettre aux médias. M. Couillard a finalement affirmé qu'il ne signerait pas le bulletin de candidature d'une femme vêtue d'un tchador. Il permettrait toutefois ce signe religieux aux employés de l'État.

«Je ne regrette pas ce que j'ai fait. Je l'ai fait dans l'intérêt du parti», a affirmé Mme Houda-Pepin mardi, aux côtés de son chef.

«M. Couillard a démontré qu'il est digne d'un chef d'État. Il est ouvert et il a répudié les tchadors», a-t-elle ajouté.

Elle affirme ne pas s'être excusée, mais avoir expliqué sa sortie à ses collègues libéraux.

Pas un recul, dit Lisée

Il ne faut pas accuser les libéraux de «reculer», dit le ministre de la Métropole, Jean-François Lisée. «Ils avancent vers notre position», les a-t-il félicités.   

Son collègue Bernard Drainville était moins élogieux. «La position du Parti libéral serait en train d'évoluer, enfin. Ils sont pas mal déconnectés de la population québécoise. Il faudra voir si ça se confirme», a-t-il cinglé. La position libérale reste encore «molle», croit-il. 

Le chef caquiste François Legault accuse les libéraux de faire un «virage à 180 degrés». «Sur la charte, il fallait une sortie d'une députée pour qu'il change complètement sa position», dit M. Legault. Il accuse le chef libéral de manquer de «cohérence et de leadership.»