Québec lance une commission parlementaire sur l'inversion de l'oléoduc 9B d'Enbridge. Un projet «d'abord économique», indique son ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet.

Le gouvernement péquiste a un «préjugé favorable» pour le projet. Mais pour qu'il se traduise en «appui concret», il «faut qu'on puisse garantir les retombées économiques pour le Québec et la sécurité en matière environnementale», précise-t-il.

La commission pourra miser sur la documentation du nouveau rapport Québec - Alberta sur ce projet. Le ministère de l'Environnement fera notamment une contre-expertise du rapport sur l'équipement et les risques que fournira Enbridge.  

Le projet permettrait d'acheminer du pétrole de l'Ouest aux raffineries de Montréal. Il s'agit d'une juridiction fédérale, rappelle M. Blanchet. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement ne peut donc pas faire d'examen. Québec ne peut pas bloquer le projet, mais peut utiliser son «poids politique». D'où le choix de déclencher une commission.

L'Office national de l'énergie (ONÉ), l'organisme fédéral qui étudie le projet, avait limité les interventions des groupes environnementaux. Québec les invitera à témoigner à l'Assemblée nationale, tout comme des acteurs économiques et municipaux, ainsi que la société albertaine Enbridge.

Les questions environnementales examinées porteront surtout sur les risques de fuites ou de déversement. M. Blanchet indique que l'évaluation des risques de l'oléoduc doit être comparée avec celle de l'autre principal mode de transport, le train. «Le débat précédait Lac-Mégantic, mais on ne peut pas faire comme si Lac-Mégantic ne s'était pas produit», explique-t-il.

Selon M. Blanchet, le projet d'oléoduc est «d'abord un dossier économique». C'est d'ailleurs la ministre du Développement économique, Élaine Zakaib qui siègera sur la commission parlementaire. Trois autres ministres, dont lui, y comparaitront toutefois.

Des environnementalistes craignent que l'inversion du flux, l'augmentation du débit et le type de pétrole - il pourrait s'agir de pétrole issu des sables bitumineux - n'augmentent le risque d'accident.

La commission siègera durant plus de 40 heures, jusqu'au 6 décembre. La décision de l'ONÉ devrait quant à elle être rendue l'hiver prochain.

Greenpeace «mitigé» 

Greenpeace se dit «mitigé» face à cette annonce. Son porte-parole pour la campagne climat, Patrick Bonin, est satisfait qu'on permette aux environnementalistes de témoigner à l'Assemblée nationale, et que quatre ministres participeront à l'exercice. Il salue aussi la décision de faire une contre-expertise des données d'Enbridge, et la participation de quatre ministres, dont M. Blanchet.

«Mais le gouvernement a trop tardé à mettre en place la commission, sans vraiment avoir expliqué pourquoi. Les groupes n'auront que quelques jours pour se préparer. C'est loin d'être idéal pour bien examiner le dossier.»

M. Bonin aurait aussi souhaité qu'on évalue l'impact sur les émissions de gaz à effet de serre dans l'ensemble du Canada.

«Le projet implique un changement du type de combustible raffiné, ce qui inclut l'arrivée du bitume dilué, ajoute-t-il. Il faudrait évaluer l'augmentation potentielle des polluants émis par les raffineries, la production de pétrole de coke, l'augmentation du transport de pétrole par bateau entre Montréal et Lévis ainsi que les alternatives à ce projet.»

Si le projet va de l'avant, les raffineries de Montréal devront être modifiées pour traiter le pétrole lourd. Elles auraient donc besoin d'un certificat d'autorisation du ministère de l'Environnement du Québec. Un BAPE pourrait même être nécessaire pour leur octroyer ce certificat. 

Bourse du carbone contre les gaz à effet de serre

L'impact sur les gaz à effet de serre du pétrole de l'Ouest ne sera pas examiné par la commission parlementaire. «Je ne me gêne pas pour dire que la performance du Canada en matière de réduction de gaz à effet de serre est, au mieux, lamentable. Cela dit, je n'interviens pas sur comment ils vont réduire leurs émissions, de la même manière que je n'ai aucun désir que le Canada intervienne sur comment le Québec va réduire ses émissions», explique M. Blanchet.

Le ministre ajoute que le gouvernement péquiste fait sa part. Québec a mis en place un marché du carbone, qui assure que tous les grands émetteurs, dont les raffineries, devront diminuer leurs émissions.