Le député de Québec solidaire Amir Khadir veut resserrer les règles encadrant les activités de lobbyisme pour empêcher les intérêts privés d'assiéger le gouvernement.

M. Khadir a dévoilé lundi un document qui propose notamment d'augmenter la période durant laquelle d'anciens titulaires de charges publiques ne peuvent faire du lobbyisme.

L'étude effectuée par QS à partir des données du registre des lobbyistes indique qu'environ les trois quarts des inscriptions, depuis dix ans, concernent des dossiers de ressources naturelles.

M. Khadir a particulièrement dénoncé le pouvoir de l'industrie minière, alors qu'une troisième réforme de la loi sur les mines vient tout juste d'échouer.

QS s'est aussi étonné de la faible représentation au registre du secteur des services informatiques, avec 18 mandats, alors que de lucratifs contrats totalisant chaque année 500 millions $ sont octroyés à ces entreprises par le gouvernement.

Le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, s'est engagé en janvier à déposer cette année un projet de loi pour resserrer les règles qui encadrent les lobbyistes. Son cabinet a indiqué lundi que cela pourrait attendre à l'année prochaine.

Lors d'un point de presse, M. Khadir a proposé d'imposer une période de 10 ans aux anciens premiers ministres avant qu'ils puissent exercer toute forme de lobbyisme.

«Nous croyons que la fonction de premier ministre est une fonction hautement symbolique, représente toute la confiance du public dans le rôle de l'État comme défenseur de l'intérêt public», a-t-il dit.

QS souhaite aussi plus de transparence concernant les sommes perçues par les lobbyistes ainsi que les résultats de leurs démarches auprès des élus ou des fonctionnaires.

Selon le député, grâce à leurs moyens financiers, les entreprises et les groupes d'intérêts privés bénéficient d'un accès aux décideurs qui est sans égal pour la population.

«L'État est littéralement assiégé dans ses décisions par ces moyens, ces personnes influentes dans nos sociétés, a-t-il dit. Parfois, quand on regarde ce qui se passe, on a l'impression que les intérêts de la population sont clairement trahis.»

M. Khadir a affirmé que les anciens titulaires de charges publiques, politiciens ou fonctionnaires, sont de plus en plus nombreux à être recrutés pour faire du lobbyisme, une transition que QS souhaite limiter davantage.

«Ces phénomènes-là, dans notre recension, sont beaucoup plus fréquents au cours des cinq dernières années que par les années passées», a-t-il dit.

M. Khadir souhaite interdire toute activité de lobbyisme aux anciens membres du conseil des ministres, pendant deux ans, alors que cette interdiction touche actuellement seulement le lobbyisme-conseil. Il leur serait aussi interdit pendant cinq ans, plutôt que deux en ce moment, d'effectuer des représentations auprès des titulaires de charges publiques d'une institution dont ils ont eu la responsabilité.

Le délai de prescription, permettant les poursuites, devrait passer d'un à 10 ans, et les peines devraient être plus sévères, réclame QS.

M. Khadir a estimé que l'objectif ultime est d'éliminer le lobbyisme pour restreindre les représentations à des forums accessibles à tous les citoyens, comme les commissions parlementaires.

«Un jour, on doit en arriver avec un système où on n'a pas besoin de lobbyisme d'affaires, a-t-il dit. Les hommes d'affaires et les femmes d'affaires doivent (faire) comme tout le monde, à travers les processus démocratiques, des assemblées, du vote annuel, de l'interpellation en commission parlementaire, de différents moyens ouverts non facilités par les énormes pouvoirs monétaires qu'ils ont à leur disposition, d'exercer cette influence.»

Selon le député, l'échec du plus récent projet de loi sur les mines démontre l'influence indue des lobbyistes qui représentent les entreprises du secteur.

«La loi des mines, c'en est un éclatant, a-t-il dit. Le Plan Nord vouait notre territoire, nos richesses naturelles, au XXIe siècle, comme un peuple colonisé, comme on le fait actuellement, aux compagnies minières pour moins de 5 pour cent de redevances effectives.»

L'Association québécoise des lobbyistes a mis en garde M. Khadir contre sa volonté de restreindre excessivement le travail de ses membres.

«Le lobbyisme c'est la volonté d'individus ou d'entreprises d'influencer leurs titulaires de charges publiques et c'est ça la démocratie», a dit le président, Étienne Couture.