Il y a deux mois, le ministre Bernard Drainville rendait publique la «proposition gouvernementale» pour une «Charte des valeurs québécoises». L'opinion du gouvernement a «évolué», a expliqué le ministre. Plusieurs choses ont changé depuis septembre, à commencer par le nom de la Charte.

Le projet de loi déposé hier parle désormais d'une «Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État, ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodements».

Sur le port de signes religieux ostentatoires, Québec a changé d'opinion depuis deux mois.

Le «droit de retrait» devient une «période d'adaptation»

La proposition originale prévoyait un «droit de retrait renouvelable», pour les établissements de santé, les cégeps, les universités, municipalités et arrondissements, d'au plus cinq ans. Rapidement, le gouvernement avait vu qu'il ouvrait ainsi la porte à une série d'exceptions. Montréal et des établissements d'enseignement, d'emblée, allaient se retirer de l'application de la Charte en exerçant leur droit de retrait à répétition.

Le projet de loi d'hier prévoit pour le gouvernement, les organismes, les réseaux d'éducation et de santé et les municipalités une première «période d'adaptation d'un an». Au sein des ministères et organismes, tout le monde devra se conformer d'ici à ce que la Charte fête son premier anniversaire.

L'adaptation devient «transition»

Mais au terme de cette année, les établissements de santé et d'éducation et les municipalités pourront, elles, demander une prolongation de quatre ans, une période de «transition» qui s'ajoutera à l'année d'«adaptation», soit un sursis pouvant atteindre cinq ans avant que l'interdiction du port de signes religieux ne s'applique.

La transition prolongée dans le secteur de la santé

Québec prévoit aussi un régime différent, particulier, pour les établissements du réseau de la santé. Les établissements pourront demander qu'on étende au-delà de cinq ans leur exemption sur le port de signes religieux. Ils devront toutefois démontrer que la dimension confessionnelle fait intrinsèquement partie de la mission et de l'histoire de l'établissement. Si le gouvernement peut accorder «une prolongation de la période de transition», le projet de loi reste muet sur sa durée.

Les employés du privé couverts

Le projet de loi ajoute aussi la possibilité pour un organisme public d'exiger des employés ou des entreprises appelés à travailler dans ses locaux qu'ils respectent les obligations sur le port de signes ostentatoires. Ainsi, une infirmière employée par une agence privée qui travaille en hôpital serait soumise aux mêmes règles que ses collègues engagées par l'établissement.

Le crucifix et les députés

Le ministre Drainville avait dit que le crucifix était «là pour rester» au Salon bleu de l'Assemblée nationale. Le projet de loi d'hier modifie le plan de match.

Le retrait ou le maintien du crucifix sera tranché par «une décision consensuelle des partis» au bureau de l'Assemblée nationale, prévoit le projet de Charte qui modifiera la Loi sur l'Assemblée nationale. M. Drainville a dit que sa formation serait favorable à ce qu'il soit déplacé, Québec solidaire est aussi de cet avis, mais les libéraux et la Coalition avenir Québec vont s'y opposer.

Autre modification, la proposition originale prévoyait que les élus de l'Assemblée nationale conserveraient toute liberté quant au port de signes religieux ostentatoires. Le projet de loi d'hier prévoit que cette décision fasse l'objet d'un vote «unanime» à l'Assemblée nationale.