Pauline Marois se défend d'avoir bricolé une politique économique «sur le coin d'une table» pour marquer des points en prévision d'un scrutin automnal. Mais pour les partis d'opposition, le scénario du déclenchement d'élections hâtives fait de moins en moins de doute.

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La première ministre du Québec était accompagnée de plusieurs gros canons de son gouvernement, lundi, afin de dévoiler les grandes lignes de sa politique économique «Priorité emploi», laquelle prévoit des investissements de près de 2 milliards $ d'ici 2017.

Interrogée à de nombreuses reprises sur les velléités électorales du Parti québécois (PQ) à l'issue de son discours, Mme Marois a esquivé la plupart des questions et affirmé que les mesures économiques concoctées par son équipe étaient dans les cartons depuis un certain temps.

«Ça fait des mois que mes ministres poussent, demandent qu'on soit prêts pour annoncer un certain nombre de politiques sur lesquelles ils travaillent depuis longtemps», a-t-elle fait valoir lorsqu'on lui a fait remarquer que le document avait des allures de plateforme électorale.

«Ce serait injuste de dire qu'on a préparé ça sur un coin de table parce qu'on voudrait aller en campagne électorale», a-t-elle poursuivi.

Pressée de questions sur l'imminence d'un scrutin tout au long du point de presse, Pauline Marois a fini par rétorquer, en anglais: «Je ne sais pas. Mais il y a une chose que je sais, c'est que j'aurai une décision à prendre. Et lorsque je penserai qu'il est temps de prendre cette décision, je le ferai.»

Pour le député libéral Sam Hamad, porte-parole en matière de développement économique, le gouvernement vient de présenter une politique qui a des allures de programme de campagne électorale.

«C'est un plan électoraliste, a-t-il dit. C'était une gouvernance souverainiste, ils sont maintenant rendus à une gouvernance électoraliste, parce que c'est un plan de campagne», a-t-il lancé, soulignant que le crédit à la rénovation est une idée qui s'est retrouvée dans le programme des deux dernières campagnes électorales des libéraux.

De son côté, après avoir fustigé la politique économique proposée par les péquistes, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a déclaré que sa formation politique serait prête à se présenter devant les électeurs dans les prochaines semaines.

«Si c'est nécessaire, on va y aller. On va être prêts, et on a un programme économique. Je pense qu'on a la meilleure équipe économique. (...) C'est là-dessus que va porter la prochaine campagne électorale, donc nous, on est confiants», a-t-il suggéré lors d'un point de presse à la Caisse de dépôt et de placement du Québec.

Quant au député de Québec solidaire Amir Khadir, il a laissé tomber que le dévoilement de cette politique économique était pour le moins suspicieux dans le contexte où les rumeurs d'élections sont sur toutes les lèvres.

«C'est sûr que ça paraît mal. Toutes ces initiatives auraient pu débuter l'année passée. Donc si on a attendu à aujourd'hui, c'est sûr que la question se pose: "Est-ce que c'est parce qu'on aura probablement une élection dans quelques semaines?" C'est désolant», a dit le député.

Chose certaine, élections ou pas, les projets péquistes en matière d'économie risquent de provoquer de houleux débats à l'Assemblée nationale.

Car selon les trois partis d'opposition au Salon bleu, en déposant cette politique économique, le PQ reconnaît qu'il a échoué à bien gérer les finances publiques depuis le début de son mandat.

En promettant la création de 43 000 emplois, le gouvernement avoue son échec des derniers mois sur ce front et constate que des investissements de 2 milliards $ seront nécessaires pour réparer les pots cassés, a fait valoir Sam Hamad.

«Ils viennent de reconnaître qu'ils ont causé des dommages au Québec, parce qu'ils font un plan, a-t-il dit. Ça fait des mois qu'ils disent que tout va bien, le ministre (Nicolas) Marceau répète que les tendances sont bonnes.»

Le chef caquiste François Legault a abondé dans le même sens que son adversaire et reproché au gouvernement Marois d'annoncer des nouvelles dépenses sans préciser comment celles-ci seront financées.

«Mme Marois, tout ce qu'elle fait, c'est qu'elle vient ajouter à la bureaucratie. (...) Les gens ont perdu confiance dans le gouvernement de Mme Marois, et là elle vient se racheter en disant: "Je vais dépenser 2 milliards $ de plus; un 2 milliards $ que je n'ai pas!"», s'est-il offusqué.

Le solidaire Amir Khadir n'a pas mâché ses mots pour décrire l'orientation péquiste au chapitre de la gestion des surplus d'électricité, qui seront vendus à rabais aux entreprises.

Québec prévoit que le quart des 115 000 nouveaux emplois qui seront créés au cours des trois prochaines années devraient découler du tarif préférentiel d'électricité.

«Les mesures ne soutiennent pas notre économie, mais plutôt des investisseurs étrangers. C'est assez colonialiste comme vision, de tout donner nos ressources à vil prix», a martelé le député de Mercier.