Menacé de poursuite pour diffamation par André Boisclair, Jacques Duchesneau ne se rétracte pas. «Pas du tout», a-t-il lancé.

Hier, le député de la Coalition avenir Québec (CAQ) s'est demandé ouvertement s'il y aurait un lien entre trois choses: la consommation passée de cocaïne de l'ex-ministre péquiste, sa subvention controversée de 2,6 millions de dollars accordée en 2003 à son ami entrepreneur Paul Sauvé, et les liens de ce dernier avec les Hells Angels. 

Il s'agit de «déclarations vicieuses», a réagi hier l'ex-chef péquiste  André Boisclair, qui est aujourd'hui délégué général du Québec à New York. Ses avocats ont envoyé une mise en demeure à M. Duchesneau.

«Je garde mon droit de poser des questions, et on veut obtenir des réponses», a réagi M. Duchesneau.  

Le chef de la CAQ, François Legault, s'est porté à la défense de son député vedette. «Je fais totalement confiance au jugement de Jacques Duchesneau, a-t-il affirmé. J'endosse son droit de poser des questions.» Il s'agit selon lui d'une «question pertinente». 

En anglais, M. Duchesneau a dit qu'il ne se laisserait pas intimider (bully me).

La balle est donc dans le camp d'André Boisclair, qui doit décider s'il met ses menaces à exécution et poursuit le caquiste. Dans une poursuite, M. Duchesneau, ex-chef du Service de police de la ville de Montréal et ex-patron de l'Unité anticollusion, devrait justifier ses propos. Il n'a pas précisé sur quels faits il s'appuyait pour poser ces questions.

Dans son livre L'industrie de la corruption, Paul Sauvé raconte que c'est seulement en 2006 qu'il a accueilli le Hells Angels Casper Ouimet dans son entreprise, qui manquait gravement de financement.

La subvention accordée par M. Boisclair à Paul Sauvé remonte à avril 2003. Quels auraient alors pu être les liens, directs ou indirects, entre le ministre Boisclair et le crime organisé? «Où achetait-il sa drogue quand il était ministre? À la Société des alcools du Québec?», a lancé M. Duchesneau.

Le chef Legault a répété à quelques reprises que «la vérité finit toujours par se savoir», sans vouloir donner plus de détails.

M. Boisclair a déjà avoué avoir consommé de la cocaïne lorsqu'il était ministre. Mais selon des déclarations faites en 2005, sa dernière consommation remontait alors à la fin des années 1990.

Suspendre Boisclair, demande la CAQ

MM. Duchesneau et Legault ont surtout critiqué la façon d'octroyer la subvention. En avril 2003, seulement quatre jours avant les élections, M. Boisclair accordait une subvention de 2,6 millions de dollars à son vieil ami Paul Sauvé pour la réfection de l'église St. James à Montréal.

Il n'est pas illégal d'accorder une subvention en campagne électorale. Mais la légitimité d'une telle décision diminue si on approche du scrutin, qu'on risque de perdre et qu'il n'y a pas urgence de trancher, soutient la CAQ. Or, le Parti québécois (PQ) se dirigeait vers la défaite, et rien n'urgeait de prendre cette décision. À la commission Charbonneau, le commissaire Renaud Lachance critiquait cette façon de faire, qui mettait «la cravate dans la tordeur» du gouvernement suivant, contraint de respecter cette décision.  

«Est-ce que (la première ministre Pauline Marois) dénonce le fait qu'un ex-ministre ait donné une subvention de 2,6 millions à un ami personnel quatre jours avant la date des élections?», a demandé le chef caquiste. 

La CAQ réclame qu'André Boisclair soit suspendu de son poste de délégué général à New York jusqu'à ce qu'il justifie cette subvention.

En 2003, M. Legault était alors lui-même au PQ. «Je n'étais pas au courant de ça», a-t-il indiqué. Il a rappelé que l'entrepreneur Paul Sauvé aurait amassé 300 000 dollars en financement pour le PQ.

Lors de la même campagne électorale, M. Legault avait lui aussi accordé une subvention de 14 millions de dollars pour rénover l'urgence du Pavillon Saint-François d'Assisse. C'était le 31 mars, soit au milieu de la campagne. A-t-il fait ce qu'il reproche à M. Boisclair ? «Ce n'était pas (donné à) un ami», a-t-il répété. 

Le député de Québec solidaire Amir Khadir a aussi demandé la suspension de M. Boisclair. Il déplore toutefois que les questions sur sa consommation passée de drogue occultent selon lui la subvention «irrégulière» accordée à son ami entrepreneur.