La Charte des valeurs québécoises unira plus les Québécois qu'elle ne les divisera, soutient le ministre qui pilote le dossier, Bernard Drainville.

«Il faut tirer les leçons de l'histoire. Ce qui nous a divisés les dernières années, c'est l'absence de règles claires. (...) Il faut qu'on ait des règles claires pour encadrer les demandes d'accommodements religieux, et c'est ce que nous allons faire», a-t-il soutenu jeudi à l'entrée du conseil des ministres.

Il réitère qu'il présentera ses orientations en septembre, et le projet de loi dans les semaines suivantes. La Charte proposera d'encadrer les demandes «d'accommodements religieux» et d'affirmer des «valeurs», soit la neutralité de l'État et l'égalité homme-femme.

«On le constate encore dans l'actualité, l'égalité homme-femme, c'est un principe très, très important, et visiblement, il y a des personnes qui ont encore de la difficulté à accepter cela», a lancé le ministre, en référant à une conférence de prédicateurs islamistes radicaux.

Il ajoute que la neutralité religieuse de l'État est «une condition d'égalité». «La meilleure façon d'assurer le respect de toutes les religions, c'est que l'État n'en ait aucune», dit-il. C'est selon lui la seule façon de traiter tous les citoyens «également». 

En campagne électorale, le Parti québécois proposait une Charte de la laïcité qui le Québec est «neutre» par rapport aux croyances et qui ferait primer l'égalité entre les hommes et les femmes sur la liberté de religion. On ne pourrait plus refuser un service public, comme un examen de conduite, sous prétexte qu'il est donné par une femme. On voulait aussi baliser les demandes d'accommodements en interdisant le port de signes religieux ostensibles, comme le hijab ou la kippa, à tous les employés de la fonction publique et parapublique, comme les infirmiers et les enseignants. Cette position n'a pas changé. La commission Bouchard-Taylor proposait de seulement interdire ces signes aux gardiens de prison, juges, avocats et policiers.

Selon ce qu'ont révélé d'autres médias cette semaine, on offrirait un droit de retrait aux cégeps, universités et hôpitaux.



Les intellectuels doivent éclairer, pas polariser, dit Duchesne


Le philosophe Charles Taylor, qui co-présidait la commission sur les accommodements raisonnables, a comparé le gouvernement péquiste au gouvernement de Vladimir Poutine en Russie, qui réprime les gais.

«Il faut que les intellectuels nous éclairent et nous aident à ouvrir le débat, à libérer le discours, pas à l'enfermer dans des qualificatifs qui nous empêcheraient d'aller plus loin», a réagi le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne.

«Dans ce débat, le ton va être aussi important que le fond, a renchéri M. Drainville. Il faut faire ce débat dans le respect des uns et des autres. M. Taylor a droit à son opinion, mais on a tous la responsabilité de respecter les opinions des uns et des autres.»

Il faut faire preuve de «leadership», ajoute le ministre responsable de la Métropole, Jean-François Lisée. «Si on veut agir sur la question de la langue, des valeurs, de l'identité, il faut s'attendre à se faire traiter de tous les noms. Si MM. Lévesque et Laurin avaient dit : ça me dérange, il n'y aurait pas eu de Loi 101 (Charte de la langue française).» Il croit qu'à l'image de la Loi 101, la Charte des valeurs québécoises finira par faire consensus avec le temps.

Mais même si le gouvernement péquiste dit respecter ses engagements électoraux, reste qu'il a un mandat minoritaire. Le Parti libéral du Québec (PLQ) s'oppose à la Charte. La Coalition avenir Québec (CAQ) dévoilera bientôt sa position, qui ira un peu plus loin que les recommandations de la commission Bouchard-Taylor.

Comme le projet de loi n'est pas encore déposé, M. Drainville n'ouvre pas tout de suite son jeu au sujet de possibles négociations pour rallier la CAQ. «Ce qu'on va souhaiter, c'est d'aller chercher le plus large consensus possible auprès de la société québécoise, et ensuite de l'Assemblée nationale», a-t-il dit.