ANALYSE - On dit souvent que l'Assemblée nationale fonctionne sous une cloche de verre, isolée de la réalité des Québécois. Quelques jours plus favorables, une embellie, et voilà que les députés péquistes se revoient en selle, en position pour remporter les prochaines élections.

Sitôt les lumières éteintes au Salon bleu, tous ont pris la poudre d'escampette pour l'été. On les a rassurés cette semaine, derrière les portes closes du caucus. Il y aura bien moins de projets de loi l'automne prochain - unanimement, ils se plaignent d'être «trop au Parlement et pas assez sur le terrain» durant cette session de printemps, terminée hier. «On a mis de l'avant trop de projets en peu de temps», leur faisait écho, publiquement, Mme Marois.

Ce terrain, comme les faits, est têtu; depuis des mois, le gouvernement Marois réédite des records d'insatisfaction après moins d'un an au pouvoir. Il y a quelques semaines, certains élus se promettaient d'attaquer ouvertement l'entourage de Mme Marois, rendu coupable de toutes les bavures. Un affrontement désamorcé: on a laissé sortir un peu de vapeur en annonçant quelques départs. Les matamores désormais discrets vont, tranquillement, retrouver leur BBQ.

Pas d'autres coupes en vue, a aussi promis Pauline Marois à ses troupes. Ces dernières disaient ne pas comprendre qu'un gouvernement péquiste s'en soit pris à ses «alliés», les groupes sociaux, en sabrant l'aide de dernier recours. Finalement, plusieurs ministres qui souhaitaient changer de chaise, à la rentrée de l'automne, ont reçu clairement le message: un remaniement après un an seulement serait avouer une erreur.

Session de l'économie

Durant ce printemps sans pareil, sans dépôt de budget ni de crédits, le gouvernement minoritaire a conscrit ses députés pour siéger, pour des projets de loi souvent restés sur le carreau. On tiendra un Conseil des ministres spécial, toute la journée, mercredi prochain, pour amorcer le travail sur le menu de l'automne. Le label est prêt: ce sera la «session de l'économie», la marque de commerce habituelle de l'adversaire libéral. On promettra des initiatives pour le secteur manufacturier, pour le commerce international et pour l'innovation. Aux Finances, les recettes sont retombées sur les rails des prévisions du budget - on n'aura pas à abandonner le déficit zéro.

En fait, on a plutôt senti une faiblesse du côté libéral sur les questions identitaires. On voudra coincer Philippe Couillard sur les questions linguistiques et sur les accommodements raisonnables, ou la laïcité, ou «les valeurs québécoises communes».

Au PQ, on constate que le dossier constitutionnel ne fait plus recette - Alexandre Cloutier a beau bomber le torse, personne ne l'écoute, et on n'attend pas grand-chose de la commission Duceppe sur l'assurance emploi. Le dossier linguistique est à peine plus porteur - on n'a pas décidé si on durcira ou baissera le ton au retour du projet de loi 14 à l'Assemblée. En revanche, les questions identitaires semblent avoir plus d'échos; Québec déposera un document de réflexion à l'automne. On a assisté sourire en coin à la valse-hésitation du PLQ qui, dans un premier temps, a soutenu qu'on ne pourrait voter au Nouvel An juif, Rosh Hashana, une trouvaille du député Lawrence Bergman. Les libéraux et Philippe Couillard ont admis par la suite que le vote par anticipation réglait le problème. La décision de la Cour supérieure sur la prière à Saguenay et celle de la FIFA sur le port du turban au soccer brouilleront les pistes.

Pas de presse

Mme Marois gardait la porte ouverte à l'éventualité de déclencher elle-même des élections, en relevant que l'opposition avait bloqué bien des projets de loi importants. Mais personne dans son équipe ne croit plus à ce scénario, tant le gouvernement a pris du retard dans les intentions de vote. Vendredi midi à Montréal, les libéraux venus écouter Philippe Couillard n'étaient pas davantage en mode électoral, le programme sera prêt en février 2014. Pas plus de presse du côté de la CAQ; François Legault reviendrait avec moins de 10 députés si on applique les chiffres des sondages aux circonscriptions.

Le gouvernement Marois devra aussi repousser un vieux démon: nommer ses copains. C'est la fin du mandat de Jacques Daoust à la barre d'Investissement Québec et de François Macerola à la Société de développement des entreprises culturelles, deux mandarins identifiés au PLQ. La tentation sera grande.

Mais une bonne nouvelle et deux annonces bien reçues, et le caucus se sent regaillardi. Véronique Hivon a marqué des points avec un projet consensuel sur la fin de vie, Bernard Drainville a obtenu l'adoption unanime du projet de loi sur les élections à date fixe, l'annonce de François Gendron sur la souveraineté alimentaire a été bien reçue. Sur le point d'étouffer il y a un mois, le gouvernement a trouvé un bol d'oxygène en toute fin de session. Reste à voir ce qui en restera à l'automne.