Les extras qui dépassent de 10% le coût initial estimé d'un projet ont bondi depuis 2009-10, révèle un rapport KPMG-SECOR commandé par le gouvernement péquiste, et dont La Presse a obtenu copie.

De 2009-10 à 2011-12, ils sont passés de 70 à 166 millions de dollars. Une hausse de 76%. Le chiffre a baissé de 20 millions en 2012-13.

«On n'écarte aucun recours», a réagi le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, en évoquant la possibilité de poursuites civiles pour récupérer l'argent. 

Le ministre avait commandé en février ce rapport pour passer les extras au peigne fin. Le rapport vient de lui être remis. Certains extras - ou avenants - étaient évitables, conclut-on, sans qu'on soit capable de les chiffrer. On donne toutefois plusieurs exemples de cas problématiques.  

Parmi eux, un contrat de 46,8 millions pour reconstruire un pont. Pas moins de 41 extras ont été chargés par le constructeur, pour une facture additionnelle de 5 millions. Il invoquait la démolition de résidences, la construction d'un nouveau stationnement et un pavage temporaire, qui auraient pourtant dû être facilement anticipés. Dans un autre cas, près d'un million de dollars ont été facturés en extra dans la construction d'un pont d'étagement pour un problème qui aurait été détecté par grâce à un simple test sur les sols. 

L'étude s'intéressait aux contrats du ministère des Transports (MTQ), de la Société immobilière du Québec (SIQ) et du Centre des services partagés (CSPQ). Lorsqu'on charge des extras, la facture est salée. La facture finale des contrats avec extras dépassait de 30% le coût estimé.

Le rapport met en lumière de nombreux problèmes dans l'octroi et le suivi des contrats. La Loi sur les contrats des organismes publics, qui exige que le sous-ministre autorise les extras de 10% ou plus de la valeur du projet, n'est appliquée que de façon «partielle et inconsistante», y lit-on. Cette autorisation est souvent accordée une fois que les travaux en cause sont déjà commencés ou même terminés. Or, certains extras auraient dû à tout le moins être «remis en question», car ils changent complètement la nature du contrat.  

C'est particulièrement vrai pour les contrats de service. Les dépassements de coûts sont deux fois plus élevés pour les contrats de construction que de services.

Avec la Loi 1 du gouvernement péquiste, ces extras devront non seulement être autorisés par le sous-ministre, mais ils seront aussi rendus publics sur le système électronique d'appel d'offres. La mesure sera en place cet automne. 

Changer la culture des extras

Les extras en sont venus à faire partie même de la «culture d'organisation» du MTQ, constate le rapport. Cette culture découle du manque d'expertise à l'interne pour identifier les extras injustifiés, et du manque de concurrence chez les soumissionnaires. Plusieurs extras pourraient être évités si on réussissait à identifier les omissions dans les plans et devis, les erreurs de conception et les échéanciers trop serrés ou retardés. 

Il faut donc renforcer l'expertise à l'interne, refuser au besoin la création de consortiums soumissionnaires au nom de la concurrence et planifier les travaux sur une période de deux ans, au lieu de le faire sur une base annuelle. «Sur cet aspect, on est déjà en action, on l'a annoncé récemment», dit le ministre Gaudreault.

Il n'hésite pas à blâmer les libéraux. «Pour régler ce problème, on en a déjà fait plus en neuf mois qu'eux en neuf ans au pouvoir», lance-t-il. 

Pour rebâtir l'expertise à l'interne, il mise sur son projet d'Agence des transports, qui permettra d'attirer des ingénieurs qualifiés en les payant plus que s'ils étaient employés du MTQ et donc assujettis aux échelons salariaux des fonctionnaires.

La Coalition avenir Québec (CAQ) ne croit pas à ce projet. «Son Agence fait un  peu extra-terrestre. Beaucoup de gens en parlent, mais personne ne l'a jamais vue», se moque son député Éric Caire.

L'Agence permettre d'isoler l'administratif du politique, dit le ministre. «Ce qu'il veut, c'est se protéger de lui-même», réplique M. Caire. Il ne croit davantage à l'autre argument invoqué pour créer l'agence, soit attirer de bons ingénieurs en offrant de meilleurs salaires. «Les ingénieurs sont représentés par leur propre syndicat, donc on pourrait négocier directement avec eux.» Et pour les techniciens des travaux routiers, ajoute-t-il, une clause de la convention collective prévoit qu'on peut octroyer des conditions salariales particulières pour attirer du personnel qualifié quand il y a pénurie de main d'oeuvre, ce qui serait le cas selon lui.