La collision entre la Fédération québécoise et l'Association canadienne de soccer au sujet du port du turban crée des remous jusqu'à Québec. Il est «inacceptable» que la Fédération de soccer du Québec soit suspendue, s'est indignée la première ministre Pauline Marois.

«La fédération québécoise a le droit d'établir ses propres règlements. Elle est autonome, elle n'est pas assujettie à la Fédération canadienne, et à cet égard, je la supporte dans ses orientations», a-t-elle lancé.

«La Fédération québécoise (FSQ) a le droit de décider ce qui se passe sur les terrains de soccer du Québec», a renchéri le ministre responsable du projet de Charte des valeurs québécoise, Bernard Drainville.

Les deux jugent qu'interdire le port du turban pour les jeunes sikhs était «raisonnable», dans la mesure où la Fédération agissait à l'intérieur de ses prérogatives. «On respecte l'autonomie de la FSQ de prendre ses décisions», répète M. Drainville. La semaine dernière, les élus québécois n'osaient pas se mouiller sur la question sensible.

L'Association canadienne a pris la décision de suspendre la FSQ lundi soir lors d'une réunion de son conseil d'administration. Elle demeure en vigueur tant que la règle controversée, qui touche quelque 200 jeunes sikhs, ne sera pas changée.

La ville de Sherbrooke accueillera bientôt les Jeux du Canada. Or, à cause de la suspension, les équipes hôtes ne pourront pas participer aux compétitions de soccer. «Ça n'a pas de bon sens», dénonce M. Drainville.

«Je sais qu'il y a des jeunes qui sont parmi les meilleurs qui souhaitent y aller, et je souhaite que l'Association canadienne les laisse tranquilles», a renchéri la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, Marie Malavoy.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) aurait préféré que la FSQ «applique les mêmes critères» pour le turban que pour le hidjab. «Le choix qui avait été fait, c'était de laisser jouer avec le hjdjab pendant qu'on faisait (en parallèle) des études sur la sécurité», rappelle son chef parlementaire Jean-Marc Fournier. Il refuse toutefois de critiquer les deux associations. «Je ne veux pas être contre. On a besoin d'avoir un dialogue, de ne pas se présenter comme des adversaires». Il ne cautionne pas la suspension. Il les invite plutôt à «se parler».

Québec solidaire critique la Fédération de soccer du Québec. «C'est très malheureux que juste au moment où la saison commence, au moment où on est presque en été, une fédération dise à 200 jeunes: Vous avez le choix. Vous allez enlever le turban ou alors vous ne pourrez pas jouer au soccer, sachant très bien que l'immense majorité de ces jeunes vont garder leur turban et donc ne joueront pas au soccer.»

Ottawa pour le turban

À Ottawa, le gouvernement Harper a appuyé l'expulsion de la Fédération de soccer québécoise. 

« Nous sommes d'accord avec la décision de l'Association canadienne, a indiqué le ministre d'État à la Petite entreprise et au Tourisme, Maxime Bernier. Nous croyons que les joueurs de soccer québécois ont le droit de porter un signe religieux qui n'affecte pas la sécurité du sport. Et je souhaite qu'on ait plus d'ouverture au Québec en ce sens. » 

Son collègue conservateur, le député albertain Devinder Shory, s'est « réjoui de l'annonce faite par l'Association canadienne de soccer qu'elle suspend la Fédération du soccer de Québec ».

« Je demande à nouveau à la Fédération du soccer de Québec à cesser de punir les enfants à cause de leur religion», a-t-il déclaré dans un communiqué.

Thomas Mulcair s'est lui aussi prononcé contre la position de la fédération québécoise, lors d'un discours prononcé devant le Cercle canadien d'Ottawa, au Château Laurier mardi.

« Il y a un grand débat en ce moment au sujet du soccer, a-t-il dit en anglais. J'ai eu l'occasion de parler aujourd'hui à la fédération québécoise et à la fédération canadienne. En passant, je suis très optimiste quant aux résultats... »

« Les parents doivent se mettre ensemble et s'assurer que les enfants puissent jouer au soccer peu importe leurs origines », a-t-il ajouté. Il a été chaudement applaudi par l'assistance.

Le NPD a été le seul parti fédéral à ne pas se prononcer pour ou contre la suspension de la Fédération québécoise, bien que des porte-parole du parti aient été invités à le faire. Les libéraux ont pris position en faveur de cette exclusion, tandis que le Bloc québécois l'a dénoncée. « C'était la bonne décision, a dit le chef libéral Justin Trudeau. J'ai un fils de 5 ans qui joue au soccer et l'idée de devoir lui expliquer pourquoi un ami à lui ne pourra pas jouer à cause de sa religion, je ne trouve pas cela raisonnable au Canada. » « Le gouvernement conservateur, par son appui à l'Association, fait en sorte qu'il brime les jeunes joueurs de soccer du Québec pour participer à des tournois majeurs, à des tournois internationaux ou des tournois canadiens », a dit Daniel Paillé, le chef du Bloc québécois.

La FSQ avait pris sa décision dans un vote majoritaire, mais non unanime. Elle a justifié l'interdiction en disant agir pour des raisons de sécurité. Elle dit aussi attendre la décision de la Fédération internationale de football association sur le port du turban.