Les insultes fusaient à l'Assemblée nationale jeudi et leur registre était plutôt large, d'«eunuques» à «mal élevé».

Chose rare, le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, a même dû suspendre pendant quelques minutes la séance, au début de la période de questions, en matinée.

Cette session parlementaire chargée tire à sa fin et les députés, éprouvés par les travaux, semblent de plus en plus irritables.

Le chef de l'opposition, le libéral Jean-Marc Fournier, a mis la table dès le début des hostilités en accusant Pauline Marois de déformer la réalité.

Dans le dossier des investissements miniers, il a réclamé «une première ministre qui dit la vérité plutôt que de faire de la publicité trompeuse», un propos antiparlementaire formellement proscrit en Chambre, ce qui a piqué au vif le leader parlementaire du gouvernement, Stéphane Bédard, qui l'a traité de «mal élevé».

Un tumulte s'en est suivi et le président a alors suspendu la séance pour s'entretenir avec les leaders des groupes parlementaires, afin de rétablir le calme.

À son retour, il a sermonné les députés: «Quand une personne va parler, nous respecterons cette personne qui va parler, comme nous devons nous respecter les uns les autres».

À peine quelques minutes plus tard, l'ancien ministre des Finances, Raymond Bachand, a pourtant renchéri. Le député libéral d'Outremont a déclaré qu'il y avait des limites à «conter de la "bullshit" aux Québécois».

Encore une fois, Jacques Chagnon a bondi de son siège pour corriger l'écart, mais M. Bachand, en rien contrit, a plutôt parlé de «vérité tronquée», autre infraction au lexique parlementaire.

La Coalition avenir Québec n'était pas en reste non plus. Son député Jacques Duchesneau a qualifié de «ministre de l'Injustice» Bertrand St-Arnaud, en réclamant des poursuites civiles contre les entreprises citées à la commission Charbonneau. Autre rappel à l'ordre du président: on nomme les membres de cette Chambre par leur titre.

En contre-attaque, Bertrand St-Arnaud a pour sa part ressorti la vieille insulte de «girouette» servie contre les adéquistes il y a quelques années, toujours aussi cinglante, mais néanmoins interdite par le lexique.

Nullement démonté, Jacques Duchesneau a de nouveau testé l'indulgence de Jacques Chagnon, qui en avait de moins en moins.

«Ce qu'on a, c'est un leader d'une bande d'eunuques incapables de prendre des décisions», a-t-il dit à propos du ministre de la Justice. Mais la mollesse invoquée, fut-elle contre la corruption, n'a pas plus trouvé grâce aux yeux du président, dont le sens de l'humour ne s'étend pas au registre des analogies salaces.

Mais Jacques Chagnon peut se rassurer: il ne reste plus que cinq jours de session parlementaire avant la relâche, prévue pour le vendredi 14.