Vingt-quatre heures avant une manifestation de l'Association des garderies privées du Québec (AGPQ), la ministre de la Famille, Nicole Léger, a conclu hier une entente de principe avec son concurrent, plus petit, le Regroupement des garderies privées du Québec (RGPQ). «De la mesquinerie», fulmine l'AGPQ, qui se retrouve maintenant isolée.

L'entente de principe maintient les compressions de 14,9 millions de dollars cette année, mais elles sont maintenant «modulées». Plus une garderie donne de bons salaires à ses éducatrices, moins elle subira de compressions, selon les explications du RGPQ. Pour une garderie qui verse le salaire moyen de 17,74$ l'heure, la coupe sera d'environ 21 000$ - la même somme que si les 14,9 millions avaient été répartis de façon égale entre les établissements. Les garderies qui paient leurs éducatrices en deçà de cette moyenne vont écoper davantage, et vice-versa.

«On reste sur nos 14,9 millions cette année, et pour moi, c'était une prérogative très importante», s'est félicitée Nicole Léger.

Les 149 membres du RPGQ se prononceront sur cette entente probablement vendredi. «On aurait préféré aucune coupure, mais on nous a fait comprendre que c'était impossible. Alors on a fait au gouvernement une proposition qu'on jugeait acceptable et qui avantage ceux qui ont une bonne qualité de service», a affirmé la présidente du RPGQ, Julie Plamondon.

L'AGPQ, qui dit compter près de 300 membres - 210 selon le ministère -, accuse Nicole Léger de «diviser pour régner». «On nous a poignardés dans le dos en utilisant une petite association et en négociant avec. Mais on savait que ça allait jouer dur», a lancé son président, Sylvain Lévesque.

Analyse

L'AGPQ, qui a annulé une deuxième journée de grève, maintient sa manifestation devant l'Assemblée nationale aujourd'hui. Elle ne rejette pas d'emblée l'entente, mais elle exprime des réserves.

Sylvain Lévesque rappelle qu'un accord signé sous les libéraux prévoit déjà une «modulation» semblable en accordant progressivement aux garderies privées les mêmes subventions que celles des centres de la petite enfance (CPE) si elles offrent des salaires équivalents à leurs éducatrices. «Alors on se retrouvait à couper deux fois certaines garderies. Il va falloir analyser tout ça avec les chiffres du ministère», a-t-il dit.

M. Lévesque rencontrera bientôt le conseil d'administration du RPGQ, probablement aujourd'hui, pour en savoir plus sur l'entente.

Aucune discussion n'a eu lieu entre le gouvernement et l'AGPQ depuis le 21 mai, jour où le gouvernement a fait avorter une entente, selon l'association.

Le lendemain, 214 garderies, pour la plupart membres de l'AGPQ, ont fait la grève et ont écopé d'amendes de 3750$ chacune, des amendes qui sont maintenues malgré l'entente de principe. Ces 214 garderies ont également reçu une lettre de Québec qui laisse planer la menace de révoquer leur permis.

«C'est une formule administrative» utilisée «régulièrement» pour rappeler les pouvoirs du ministre, selon Mme Léger. «Personne ne va perdre son permis, c'est absolument impossible», a-t-elle ajouté.

Nicole Léger reproche à l'AGPQ de demander l'étalement des compressions sur plusieurs années, une option à laquelle elle «dit et redit non».

«Ça fait un mois qu'ils me reviennent toujours avec ça! Ce n'est pas sérieux! S'ils ont une proposition sérieuse à mettre sur la table, je suis ouverte», a-t-elle dit, vantant au passage la démarche du RGPQ. Elle a fait savoir qu'elle «désirerait» que l'entente conclue avec le RGPQ s'applique à toutes les garderies privées subventionnées. Notons que 296 établissements ne sont affiliés à aucun groupe.

Menace et abus de pouvoir

Pour le chef parlementaire du Parti libéral, Jean-Marc Fournier, la première ministre Pauline Marois a forcé la signature d'une entente de principe par «l'intimidation, la menace et l'abus de pouvoir».

«Dans l'opposition, elle frappait de la casserole pour fermer les écoles. Au gouvernement, elle choisit les décrets matraques», a-t-il lancé.

Mme Marois a répliqué que les garderies doivent respecter leur entente de subvention et que le PLQ a «utilisé les garderies pour faire du financement» politique lorsqu'il était au pouvoir.