Ce n'est pas deux fois plus de redevances, mais environ 15% de plus que propose désormais le gouvernement péquiste avec son nouveau régime.

«Je n'ai jamais accepté de me laisser enfermer dans un montant précis que je devais aller chercher», a dit le ministre des Finances, Nicolas Marceau, en dévoilant lundi le nouveau régime d'impôt minier. Il était avec sa collègue ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. M. Marceau a dit avoir cherché «un équilibre».

Selon les projections, le nouveau régime permettra d'amasser 370 millions de dollars en 2015. Avec le régime libéral, le total aurait été de 320 millions. En campagne électorale, le Parti québécois avait pourtant promis de doubler la somme.

«Nous n'avons pas laissé traîner des centaines de millions de dollars sur le trottoir. Si ç'avait été possible d'aller chercher plus, nous l'aurions fait», assure néanmoins le ministre. Il dit ne pas avoir voulu «mettre en péril les investissements» en exigeant trop. Il ajoute qu'il «n'y a pas eu de chantage» des minières lors des consultations sur le nouveau régime.

Le ministère des Finances a indiqué que ce nouveau régime aurait permis de rapporter de 35 à 50 millions de plus en 2011.

M. Marceau plaide que le contexte a changé. «Vous savez que depuis 2011, il y a eu une baisse de 25% dans les prix des métaux», a-t-il dit. La baisse s'observait toutefois déjà quand le Parti québécois a établi son cadre financier l'été dernier. L'indice du prix des métaux était alors à environ 200 dollars, contre 189 dollars aujourd'hui.

M. Marceau précise que les redevances minières, «ce n'est pas prévu pour payer l'épicerie», et que la révision à la baisse des sommes espérées ne menace pas le financement des programmes sociaux. L'argent sert à rembourser la dette, le poste budgétaire qui augmente le plus vite, rappelle le ministre. Il se dit «très, très à l'aise» avec le nouveau régime.

Mme Ouellet peut-elle dire «mission accomplie»? «Nous faisons des avancées importantes en transformation et en transparence, dans le respect de l'environnement», a-t-elle répondu.

Comme en campagne électorale, on propose encore un régime hybride, mais les paramètres ont été significativement changés.

On charge une redevance sur la valeur extraite, pour que chaque minière redonne de l'argent à l'État, qu'elle fasse des profits ou non. Et on charge encore une surtaxe pour profiter davantage des rendements élevés lors des booms miniers. Toutefois, ces deux redevances ne s'additionnent pas. Les minières ne payeront que la plus élevée des deux.

M. Marceau assure qu'il n'avait jamais promis le contraire. Les environnementalistes, Québec solidaire et le Parti libéral assurent toutefois le contraire. La plateforme électorale du parti ne mentionnait pas que les minières ne paieraient qu'un seul volet du régime hybride. Le parti n'en parlait pas non plus en conférence de presse.

Autre changement: dans le premier volet du régime, on renonce à la redevance sur la valeur brute (VTP). On permet de déduire les coûts de traitement et de transformation sur la valeur brute. Cela donne la valeur à tête de puits. Et on diminue aussi le taux chargé sur cette nouvelle valeur. En campagne électorale, on avait proposé 5% sur la redevance brute. On propose désormais un taux de 1% pour les 80 premiers millions de dollars de minerai extrait, puis de 4% pour la valeur excédentaire.

Le deuxième volet constitue un impôt sur le profit. C'était le modèle libéral. Pour les marges de profit de 0 à 35 %, on propose le même taux de redevances que celui des libéraux: 16%. Le taux de redevances exigé augmente ensuite progressivement avec le taux de rendement, de la même manière que l'impôt des particuliers. Il y a trois taux.

Autre changement: si la redevance VTP est plus grande que la redevance sur le profit, une minière pourra prendre la différence pour réduire les redevances à payer lors des années suivantes.

En 2020, on prévoit que le nouveau régime permettra d'amasser de 73 à 201 millions de plus par année, soit de 15 à 30% de plus.

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Des réactions plutôt négatives

Selon l'opposition libérale, le nouveau régime de redevances est «plein de contorsions», avec des notions comme la valeur à la tête du puits, pour permettre au gouvernement péquiste de «reculer en sauvant la face». Son porte-parole en matière de Finances, Raymond Bachand, reconnaît que le nouveau régime permettra néanmoins aux Québécois de récolter plus d'argent en redevances. Mais au «pire moment possible», on a créé beaucoup d'incertitude chez les investisseurs, dit-il. Il demande à voir des études d'impact pour s'assurer que les projets de petites minières québécoises ne soient pas menacés par le nouveau régime.

Comme M. Bachand, le caquiste François Bonnardel parle «d'hypocrisie électorale». L'engagement sur les redevances minières était un des plus connus du Parti québécois, note-t-il. Il a donc été selon lui élu sous «de fausses représentations». Il juge «irréaliste» d'augmenter les redevances minières, car cela ferait fuir les investissements.

Québec solidaire dénonce aussi ce «double discours» du gouvernement Marois, mais pour des raisons diamétralement opposées.

«Le Parti québécois est en déroute intellectuelle. Il plie devant le lobby minier. Il n'est pas différent du Parti libéral ou de la Coalition avenir Québec, qui cèdent à ce chantage.» Le ministre des Finances assure qu'il n'avait jamais promis en campagne électorale que dans le régime hybride, les minières ne payeraient que le volet le plus exigeant, et non les deux volets. «C'est un mensonge éhonté», tonne-t-il.

«On a accouché d'une petite souris», disent les environnementalistes

«Beaucoup de bruit pour pas grand-chose». Voilà comment Christian Simard de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine décrit le nouveau régime de redevances. Il a rappelé la publicité électorale du Parti québécois, où un camion déversait une poignée de cailloux, pour symboliser les redevances récoltées par le gouvernement libéral. «On a incité les gens à voter sur cette base, et on a accouché d'une petite souris», dénonce-t-il.

Il regrette que le gouvernement péquiste ait négocié le régime avec l'industrie minière elle-même. «Qu'on négocie un régime fiscal avec la clientèle concernée, ça m'apparaît un grave problème démocratique. Les citoyens eux n'ont pas ce privilège», dit M. Simard. «L'industrie a donné sa zone de confort, et c'est ce qu'on leur donne», ajoute-t-il.

Association minière du Québec

«Nous sommes déçus de la décision parce que nous venions de vivre une année 2010 de grands changements, et voilà que trois ans plus tard, nous avons de nouveaux changements: une fois de plus, on nous impose une nouvelle façon de faire. Nous avions su nous adapter au régime en place, nous avons fait l'évaluation de tous nos projets miniers en fonction de ce régime-là. Il faut changer les données. Nous considérons que ça va fragiliser l'industrie.

«Il faut analyser les détails, mais nous nous rendons compte qu'il n'y a pas d'incitatifs pour de nouveaux projets. On n'a pas tenu compte de l'instabilité des marchés.»

- Josée Méthot, présidente-directrice générale

Association de l'exploration minière du Québec

«Ça nous semble très complexe, nous essayons de voir l'effet de ces modifications. Nous ne le verrons pas à court terme. Quel sera l'effet sur nos PME d'exploration qui sont au stade de la mise en valeur, qui sont en recherche de financement? Nous avions un régime bien adapté à notre réalité au Québec. Il y a là plusieurs différences. Parfois, ce qu'il y a de mieux ailleurs ne s'adapte pas à nous.»

- Valérie Fillion, directrice générale

Xstrata Nickel

«Nous ne sommes vraiment pas contents, ce n'est pas le moment d'apporter des changements comme ça à une période où c'est très difficile pour notre industrie à cause de l'incertitude économique et du prix des métaux. Ça apporte plus de risques à nos opérations actuelles et à nos projets futurs. Xstrata avait insisté auprès du gouvernement sur l'importance de maintenir la stabilité fiscale. Cette stabilité n'a pas été maintenue et nous pensons qu'il y aura un coût pour le Québec à long terme.»

- Dominique Dionne, vice-présidente aux affaires corporatives

Fédération des Chambres de commerce du Québec

«Nous sommes soulagés et déçus. Il aurait été préférable de maintenir le régime actuel, mais nous sommes soulagés, de façon relative, parce que si on compare à ce qui avait été proposé en campagne électorale, ce qu'on a est plus réaliste. Mais nous sommes déçus parce qu'il y a une augmentation qui pourrait nuire à certains projets d'investissement, surtout pour les petites minières. Le régime minier, aujourd'hui, est moins attrayant qu'il l'était hier.

«Il y a un certain tort qui a été causé au cours des derniers mois sur la scène internationale par rapport au secteur minier au Québec. Il va falloir que le gouvernement travaille très, très fort pour rétablir cette réputation-là.»

- François-William Simard, directeur, stratégies et affaires économiques

Québec meilleure mine

«Beaucoup de bruit pour pas grand-chose.» Voilà comment Christian Simard, de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, décrit le nouveau régime de redevances. Il a rappelé la publicité électorale du Parti québécois, où un camion déversait une poignée de cailloux, pour symboliser les redevances récoltées par le gouvernement libéral. «On a incité les gens à voter sur cette base et on a accouché d'une petite souris. Qu'on négocie un régime fiscal avec la clientèle concernée, ça m'apparaît un grave problème démocratique. Les citoyens, eux, n'ont pas ce privilège. L'industrie a donné sa zone de confort, et c'est ce qu'on leur donne.»

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Changements proposés au régime minier

>Le régime actuel :

Les profits miniers sont imposés au taux de 16%, qui est calculé mine par mine, de sorte que les pertes d'une mine non rentable ne peuvent pas diminuer les redevances à payer d'une mine rentable du même propriétaire.

>Le régime proposé :

À partir du 1er janvier 2014, le régime prévoit deux types de redevances : un impôt minier minimum dont le taux variera de 1% à 4% et un impôt sur les profits variant de 16% à 22,9%. Les entreprises paieront le plus élevé des deux montants, ce qui veut dire que même les mines déficitaires seront mises à contribution.

>Qui ?

La moitié des sociétés actives au Québec ont payé des droits miniers en 2011. Avec le nouveau régime, toutes les sociétés seront assujetties à un impôt minimum variant de 1% à 4%, selon la valeur de la production à la tête du puits ou à un impôt sur les profits. Le taux d'impôt sur les profits restera inchangé à 16% pour une marge bénéficiaire de 35% et moins. Le taux augmentera jusqu'à 22,9% pour les marges supérieures à 35%.

>Combien?

Avec l'ancien régime, les sociétés minières ont payé 351 millions en redevances en 2011. Avec le nouveau, leur contribution aurait été cette année-là de 400 millions, soit 15% de plus, selon le gouvernement.