La tension entre les gouvernements Harper et Marois s'est manifestée sur deux fronts, jeudi, alors que les ministres péquistes des Transports et des Affaires intergouvernementales ont eu des accrochages avec leurs homologues conservateurs.

Québec s'inquiète des intentions du fédéral quant au financement du transport collectif sur le futur pont Champlain. Il craint aussi qu'Ottawa modifie l'entente sur la formation de la main-d'oeuvre offerte aux prestataires de l'assurance-emploi, un programme géré par les provinces.

«Ce sont des initiatives unilatérales qui sont prises par le gouvernement fédéral et qui ont de graves conséquences pour le Québec, a indiqué en entrevue le ministre péquiste des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier. À chaque fois que le fédéral va prendre des décisions unilatérales qui sont mauvaises dans l'intérêt des Québécois, le gouvernement sera là pour faire entendre la voix des Québécois.»

Pont Champlain

En matinée, le ministre québécois des Transports, Sylvain Gaudreault, a rencontré son homologue conservateur, Denis Lebel, afin de discuter de la construction du nouveau pont Champlain. Il s'est dit vivement déçu de cet échange.

M. Gaudreault souhaite qu'Ottawa s'engage à financer la construction d'une infrastructure de transport collectif sur le nouveau pont Champlain. Le gouvernement Harper l'invite plutôt à présenter ses demandes, puis à les faire financer par le biais des programmes fédéraux de subvention.

Québec craint que cette approche lui impose un risque financier dans un contexte budgétaire serré. Car il n'aurait pas la certitude d'obtenir des fonds fédéraux pour un système léger sur rail ou pour une voie réservée aux autobus.

«La rencontre est une démonstration que le gouvernement fédéral s'apprête à faire un pont dans un entrepôt et à le mettre au-dessus de la voie maritime avec deux grues, sans vision d'ensemble, de manière désincarnée», a déclaré le ministre Gaudreault par voie de communiqué.

Le ministre fédéral, Denis Lebel, s'est dit déçu de la « vision » de son homologue provincial. Mais il maintient qu'il n'est pas question pour Ottawa de financer la totalité des coûts pour le transport collectif. À ses yeux, c'est à Québec d'établir ses priorités.

«On aura éventuellement un nouveau plan d'infrastructure, a rappelé le ministre Lebel. Si le Québec veut prioriser le transport en commun dans cette enveloppe et mettre davantage d'argent sur ce nouveau projet, ce sera leur choix et on le fera avec plaisir. Mais ce sera leur choix : on n'aura pas le beurre et l'argent du beurre là-dedans.»

M. Lebel a par ailleurs défendu sa manière de collaborer avec le Québec, rappelant que les autorités fédérales et provinciales se sont réunies à 36 reprises depuis le lancement du projet.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, a pour sa part pressé le gouvernement Harper de prévoir des fonds pour le transport en commun sur le nouveau pont.

«Sur le principe, de nos jours, ce serait absurde de dépenser au bas mot 8 milliards de dollars sans prévoir quoi que ce soit pour le transport en commun», a-t-il illustré.

Le chef bloquiste, Daniel Paillé, a appelé le ministre Lebel à préciser combien son gouvernement est prêt à mettre sur le nouveau pont.

«C'est plus le temps de jouer aux cartes là, a-t-il dit. C'est de mettre l'argent sur la table, de mettre des plans puis de discuter convenablement avec tous les intervenants.»

Main d'oeuvre

Le lieutenant de Stephen Harper au Québec, le ministre Christian Paradis, s'est par ailleurs entretenu avec le ministre Alexandre Cloutier. Celui-ci souhaite connaître les intentions d'Ottawa sur la suite du programme de formation de la main-d'oeuvre des prestataires de l'assurance-emploi.

Le National Post a révélé cette semaine que le gouvernement Harper pourrait mettre fin à ce programme, qui rapporte 115 millions par année à Québec. Le gouvernement péquiste souhaite au contraire le voir bonifié.

«Ce qui nous agace, a dit le ministre Cloutier, c'est qu'au lieu de communiquer avec nous et de partager les intentions réelles, on apprend par un grand quotidien une intention voilée de la part du gouvernement fédéral qui soulève bien des inquiétudes et on est pris devant ce geste unilatéral et on est maintenus dans l'incertitude.»

Au bureau du ministre Paradis, on a préféré ne pas commenter les discussions.

«Gouvernance souverainiste»?

Le ministre Cloutier s'est défendu de vouloir pratiquer la «gouvernance souverainiste», c'est-à-dire multiplier les revendications à Ottawa afin de mousser l'option souverainiste.

«Nos intentions, c'est de défendre les Québécois et pas de provoquer inutilement, a-t-il affirmé. Mais dois-je vous rappeler, que ce n'est pas nous qui provoquons, c'est eux qui prennent des initiatives qui sont mauvaises pour les intérêts des Québécois.»