Le gouvernement Marois voulait favoriser l'apparition de nouveaux partis. Avec les dispositions de la nouvelle loi sur le financement des partis politiques (projet de loi 2), adoptée en décembre, le gouvernement risque d'avoir ouvert la porte bien plus largement qu'il ne le prévoyait à des individus qui voudraient profiter des nouvelles mesures.

Le coeur du projet de loi 2 était de réduire de 3000$ à 100$ le plafond des contributions à un parti politique. Or, du même souffle, pour permettre l'éclosion de nouveaux partis, Québec a mis en place des mesures «d'appariement et de bonifications» au profit de ceux qui voudraient lancer une nouvelle formation.

Ainsi, un parti politique qui recueille 20 000$ - avec un plafond de 100$ par contributeur - se voit immédiatement accorder une subvention de 50 000$. Négligeable pour les grands partis nationaux, la nouvelle a sonné comme une caisse enregistreuse pour les petites formations. On compte actuellement 20 partis reconnus, du Bloc pot au Parti marxiste-léniniste, en passant par Révolution démocratique et Parti nul. Tous auront droit à une subvention de 50 000$ de fonds publics s'ils récoltent 20 000$.

Rien n'est toutefois prévu pour contrer ceux qui s'inspireront d'une structure «pyramidale» pour financer leur parti - un stratagème où, ultimement, les contribuables casqueront. Absolument rien n'empêche les partis de retourner ces dons, ou même davantage, à leurs contributeurs, tout en bénéficiant des 50 000$ de fonds publics. Avant même ces changements, le Parti marxiste-léniniste pouvait amasser 15 000$ par année. Le Bloc pot a recueilli 7000$ en 2010; la prochaine récolte risque d'être meilleure, avec 50 000$ de fonds publics.

La nouvelle loi prévoit aussi 20 000$ de subventions gouvernementales lorsqu'un parti parvient à amasser 20 000$.

Dans le cas où un parti retournerait à ses donateurs leur contribution, par exemple en déclarant qu'il a payé un salaire pour du travail partisan, le Directeur général des élections (DGE) n'a aucun moyen de vérifier ce qui s'est passé, a reconnu hier le DGE Jacques Drouin, dans un entretien à La Presse. «Si c'est comme ça, cela va prendre un amendement, parce que cela n'a aucun sens!», a rapidement concédé M. Drouin. Après avoir vérifié avec son contentieux, il a déclaré forfait.

En fait, explique-t-on au DGE, à partir du moment où un parti publie ses états financiers, il n'a aucune contrainte sur l'utilisation de ses fonds. «Rien d'autre que les bonnes moeurs et l'ordre public», résume-t-on à la direction des communications du DGE, où on relève d'ailleurs que la loi «est très généreuse» pour les petits partis.

Dans le passé, l'Action démocratique de Mario Dumont a eu recours à de tels stratagèmes, sans que le DGE puisse intervenir. «Un parti peut faire les dépenses qu'il souhaite. On a appris en fin de semaine qu'Option nationale allait verser un salaire de près de 90 000$ à son chef, Jean-Martin Aussant», explique le DGE. De la même manière, «si le parti engage quelqu'un, il peut le rétribuer comme il veut...», ajoute-t-il.

Cette subvention voulait compenser l'abolition des crédits d'impôt pour les petits partis. Auparavant, lorsque quelqu'un donnait 400$ à un parti politique, il bénéficiait d'un remboursement d'impôt de 300%, rappelle M. Drouin.

Faire confiance aux citoyens

«Il faut faire confiance aux citoyens si jamais il y a des abus, si on tente de contourner les règles, on resserrera la loi», a soutenu hier le ministre parrain du projet de loi, Bernard Drainville.

Certaines de ces avenues ont été considérées pour les «nouveaux partis» - qui ne sont pas déjà reconnus par le DGE. On augmente ainsi le nombre de membres nécessaires à 1000, bien au-delà des 100 personnes prévues avec la précédente loi, insiste-t-il. Or, il suffit d'une signature et d'une adresse pour que quelqu'un devienne membre d'un parti. Il n'y a pas de minimum pour une adhésion; celle-ci ne doit cependant pas dépasser 25$ par année.

Le DGE n'avait pas signalé d'inquiétudes sur le fait que des citoyens ne pensent qu'à contourner les lois lors de l'étude article par article, en commission parlementaire. Il faut dire qu'à la veille du départ pour le congé des Fêtes, les trois partis étaient déterminés à voter rapidement en faveur de cette loi hautement symbolique.