Le gouvernement Marois compte imposer une redevance «plancher» à toutes les sociétés minières pour s'assurer qu'aucune firme n'échappe à cette contribution aux finances publiques. Québec amènera cette «orientation» aux discussions qui ont cours actuellement avec l'industrie pour faire atterrir son «forum» du 15 mars.

Selon les informations obtenues par La Presse, le gouvernement est décidé à fixer un minimum de redevances à payer par les sociétés minières - conformément aux engagements du Parti québécois (PQ) en campagne électorale.

La firme paierait ainsi la plus élevée de ces deux sommes: l'impôt normal sur les profits encaissés ou la redevance «plancher». Avant les élections, le PQ avait martelé qu'en 2011, pas moins de neuf sociétés minières sur vingt n'avaient pas payé un cent de redevances au gouvernement. Avec la nouvelle formule, «tout le monde paierait quelque chose», explique-t-on.

Mais quand on y regarde de plus près, on constate qu'au-delà de cette ligne de presse, les sociétés qui avaient échappé complètement aux redevances étaient de toutes petites entreprises.

Le gouvernement est à la croisée des chemins. La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, souhaite mettre en place un mécanisme qui assurera le plus d'argent possible au Trésor public. Autour de Pauline Marois, on est «plus pragmatique»: on est davantage conscient qu'une charge trop lourde risquerait de faire fuir les sociétés minières. Le ministère des Finances est aussi dans le camp de ceux qui croient «qu'il faut faire attention».

On rappelle que dans le débat autour des droits de scolarité, le gouvernement Marois a opté pour une augmentation de 70$ par année, bien moindre que les 254$ exigés par le gouvernement Charest. Le PQ ne voudra pas faire «passer à la caisse» les sociétés minières.

Dans sa plateforme électorale, le PQ parlait d'une redevance minimale obligatoire de 5% sur la valeur brute de la production. La formule d'une modulation selon le métal ou le minerai extrait semble bien difficile à établir. Elle ne paraît en effet plus sur la planche à dessin, indique-t-on.

La plateforme du PQ proposait aussi une redevance de 30% sur les «surprofits». Or, ces derniers sont «bien difficiles à établir», prévient-on à Québec.

Impact politique

La décision sur les redevances aura un impact politique. Le PQ avait fait recette en campagne électorale avec son message montrant quelques roches seulement qui tombaient de la benne d'un énorme camion - symbole du peu de retombées pour le Québec des richesses naturelles exploitées par les multinationales. Mais, en réalité, c'est bien davantage l'ensemble de l'environnement fiscal dans lequel devront oeuvrer ces entreprises qui aura un impact sur leurs profits. Les décisions importantes sur les redevances relèvent du ministre des Finances et de l'Économie, Nicolas Marceau, et non de la responsable des Ressources naturelles, Martine Ouellet.

Il y a quelques jours, le ministre Marceau a annoncé la tenue de la consultation avec l'industrie, qui se clôturera par le forum. Il a prévenu que le niveau des redevances «devait augmenter».

Dans un discours récent, à l'occasion d'une conférence sur les ressources naturelles organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, M. Marceau a réitéré que les redevances minières doivent «augmenter». Il a relevé le fait que les prix des métaux extraits au Québec sont quatre fois plus élevés qu'au début des années 2000. Or, cette augmentation ne s'est «pas traduite par une hausse suffisante des redevances versées par les entreprises». Québec estime «ne pas profiter pleinement» de la valeur des ressources; en 2011, la moitié des sociétés en exploitation n'ont pas payé d'impôt minier.

Au-delà des mesures difficiles à avaler pour les sociétés minières, le gouvernement est très sensible à la protection des emplois dans ces régions éloignées.

Du côté de l'industrie, où on s'oppose à toute hausse importante des redevances, on prévoit tenir une réunion de stratégie, à huis clos, le 13 mars à Montréal.

L'événement est organisé par la Fédération des chambres de commerce du Québec, avec KPMG-Secor et le cabinet d'avocats Fasken Martineau. Dans un compte rendu interne de décembre, la Fédération prenait fait et cause pour l'industrie, après une tournée régionale de la présidente Françoise Bertrand. «Il est essentiel que le gouvernement lance des signaux clairs aux investisseurs, à savoir qu'il reste un lieu propice aux investisseurs dans le secteur des richesses naturelles», écrit-on. «On ne voit pas comment cette compétitivité pourrait être préservée si on modifie significativement le régime des redevances», ajoute le rapport, obtenu par La Presse. Selon la Fédération, Québec doit rapidement annoncer qu'il maintient «le niveau global d'effort fiscal imposé actuellement à ces entreprises».

Préoccupé au premier chef par la question minière, le vice-premier ministre François Gendron a indiqué dans une intervention en Abitibi, à la fin du mois de février, que Québec irait de l'avant avec la refonte des redevances. «Mais on n'a pas l'intention de tuer la poule aux oeufs d'or», a-t-il soutenu en s'adressant à ses électeurs.

«On veut protéger la rentabilité et la vitalité des mines, a-t-il ajouté. Les mines d'aujourd'hui ont des teneurs plus faibles [en minerais], sont plus profondes et les coûts de production sont élevés.» Selon lui, on doit voir plus loin que la simple question des redevances et examiner l'ensemble de l'environnement fiscal prévu pour les sociétés minières.