La part des honoraires versés aux firmes de consultants et de génie-conseil sur les contrats annuels de travaux routiers du ministère des Transports du Québec (MTQ) a augmenté en moyenne de presque 40% au cours des neuf ans du gouvernement libéral de Jean Charest, par rapport au régime précédent.

Selon des données obtenues par l'Association professionnelle des ingénieurs du Québec (APIGQ) en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le MTQ versait une moyenne de 98 795$ en honoraires pour chaque tranche de 1 million de dollars investis en travaux routiers entre 2000 et 2002. Ces honoraires ont représenté en moyenne moins de 10% de la valeur des contrats routiers attribués par le MTQ durant cette période.

En comparaison, les sommes consacrées aux services de consultants ont représenté 13,7% de la valeur totale des contrats routiers du MTQ réalisés entre 2003 et 2012. Durant cette période, la part relative des honoraires professionnels versés par rapport aux travaux routiers s'est élevée à 136 873$ par tranche d'un million de dollars investis en construction par le MTQ. C'est une hausse de plus de 38% par rapport à la période 2000-2002.

Dans une entrevue à La Presse, le président de l'APIGQ, Michel Gagnon, a estimé que l'évolution inégale des dépenses annuelles de construction et d'honoraires professionnels au fil des années soulève des questions «qui devraient peut-être intéresser la commission Charbonneau», au moment où se multiplient les témoignages établissant des liens entre les firmes privées de génie-conseil et le financement des partis politiques provinciaux.

M. Gagnon a relevé en particulier les données de l'exercice financier 2003-2004, qui coïncide avec l'arrivée au pouvoir des libéraux, élus le 14 avril 2003. Cette année-là, la part relative des honoraires professionnels a soudainement bondi de 101 452$ à 124 192$ pour chaque tranche d'un million de dollars investis dans la construction.

Au cours des deux années subséquentes, souligne M. Gagnon, la somme des contrats de construction accordés par le MTQ est passée de 647 millions à près de 912 millions par année, une hausse de 40%.

Durant la même période, les dépenses en honoraires professionnels du MTQ sont passées de 80,4 millions à 136,5 millions, une hausse de 70%.

Aucune corrélation, dit le MTQ

Ces données ont été commandées au ministère par l'APIGQ, l'automne dernier, pour illustrer l'évolution du recours aux firmes d'ingénieurs privées par le MTQ, où travaillent la majorité des ingénieurs de l'État.

Elles compilent séparément les dépenses annuelles du MTQ consacrées aux contrats de construction et le coût des services professionnels engagés par le Ministère.

Dans une brève déclaration à La Presse, Sarah Bensadoun, porte-parole du MTQ, a affirmé qu'il «n'existe aucune corrélation possible entre les montants payés en honoraires professionnels et les sommes versées en contrats de construction, à l'intérieur d'une même année. Les coûts d'ingénierie et de construction ne surviennent pas tous en même temps au cours du développement d'un projet, qui peut s'étaler sur plusieurs années.»

À titre d'exemple, explique Mme Bensadoun, un projet de construction routière fait d'abord l'objet de plusieurs relevés préliminaires, d'études d'avant-projet et de conception, puis de plans et de devis, qui peuvent coûter des dizaines de millions, dans le cas de grands projets. Les premiers travaux de construction peuvent commencer des années plus tard, et ne seront donc pas comptabilisés dans les dépenses du MTQ pour la même période que les services professionnels liés au même projet.

Le MTQ n'a, par ailleurs, pas voulu commenter l'augmentation du poids relatif des honoraires professionnels sur le coût global des investissements routiers annuels depuis 2003.

Pour le Ministère, ces relations statistiques entre les budgets annuels des services professionnels et les coûts de construction n'ont aucune signification.

De 47 à 376 millions

Le président de l'APIGQ estime, au contraire, qu'elles prennent tout leur sens quand on les replace dans leur contexte historique. Après les élections d'avril 2003, rappelle-t-il, le gouvernement Charest avait évoqué le piteux état des finances publiques pour décréter des coupes de près de 800 millions dans les dépenses gouvernementales.

La réingénierie de l'État, affirme M. Gagnon, n'a cependant pas touché l'ingénierie privée. Après des investissements routiers qui ont atteint un record de plus de 1 milliard l'année précédente, le MTQ a consacré 647 millions en travaux dans son réseau, en 2003 - une baisse de presque 40%.

«La baisse a été bien moins importante pour les consultants: 25%, ajoute M. Gagnon. Et, deux ans plus tard, leurs honoraires dépassaient de 30 millions le record enregistré en 2002.»

Selon les données du MTQ, les investissements annuels dans les routes et les ponts ont été multipliés par six, au Québec, depuis l'année 2000. Ils sont passés de moins de 490 millions en 2000-2001 à plus de 2,8 milliards l'année dernière.

Durant la même période, le coût des honoraires professionnels versés par le MTQ a été multiplié par sept, passant de 47,3 millions en 2000-2001 à plus de 376 millions l'an dernier.